Véronique Goossens
Chief Economist @Belfius
Malgré la crise du Covid-19, le marché belge de l’immobilier conserve tout son dynamisme. Il semblerait toutefois que les banques se montrent plus exigeantes lors de l’octroi de crédits hypothécaires. Est-ce bien le cas ?
Oui. Il existe deux raisons à cela. Les banques se montrent un peu plus prudentes avec les clients touchés par la crise du Covid-19. Par ailleurs, la Banque nationale a également durci les conditions afin d’empêcher une surchauffe du marché immobilier dans notre pays.
Toute personne qui, aujourd’hui, souhaite contracter un prêt hypothécaire et qui se retrouve temporairement au chômage, par exemple, aura plus de difficultés à obtenir un crédit. La banque vous demandera si vous disposez de ressources financières en suffisance sur votre compte pour continuer à rembourser le prêt pendant un certain temps dans l’éventualité où vous vous retrouveriez véritablement au chômage. Votre dossier est étudié avec plus de rigueur encore si vous achetez un bien à des fins locatives.
Le premier élément qu’une banque examine toujours dans le cadre d’un dossier de prêt, c’est votre capacité de remboursement. Les banques doivent protéger les ménages contre un endettement trop important. Un ratio raisonnable pour un pourvoyeur de revenus moyen consiste à ne pas consacrer plus d’un tiers de son salaire à un crédit hypothécaire. Les personnes touchant un revenu supérieur à la moyenne peuvent emprunter davantage, mais ce point est examiné au cas par cas. La banque vous demandera de fournir vos fiches de paie des trois derniers mois. Les revenus locatifs ne sont pas pris en compte dans le calcul du montant total de la capacité de remboursement. En effet, un locataire peut partir de manière inattendue et prématurée, vous privant ainsi de ces revenus. Les garanties sont moins importantes que votre capacité de remboursement. En cas de dossier bancal, la garantie peut être un facteur décisif. En outre, pour introduire un dossier de crédit hypothécaire, il vous faut toujours fournir le compromis de vente et une estimation du coût des travaux/transformations par un architecte.
L’autorité chargée de la surveillance des banques, la Banque nationale de Belgique, est devenue plus stricte ces dernières années en ce qui concerne les crédits hypothécaires. Elle préfère que les banques n’accordent pas trop de prêts dépassant un certain rapport prêt/valeur. Le rapport prêt/valeur désigne la valeur du prêt hypothécaire par rapport à la valeur du bien immobilier. Le montant emprunté par les acquéreurs pour une première habitation ne peut excéder 90 % de la valeur du bien. Par exemple, si vous achetez une maison de 200.000 euros, vous ne pourrez pas emprunter plus de 180.000 euros. Les banques peuvent toutefois déroger à cette règle. Plus d’un tiers du portefeuille total de prêts aux primo-accédants peut quand même dépasser ces 90 %. La possibilité pour la banque de faire exception à cette règle dépend de votre dossier. Les acquéreurs d’une deuxième habitation peuvent également bénéficier de cette exception, mais l’autorité de surveillance a restreint un peu plus les possibilités à cet égard. Ceux et celles qui doivent débourser plus de la moitié de leurs revenus pour un prêt tout en empruntant plus de 90 % de la valeur de la maison auront plus de mal à obtenir un crédit. La Banque nationale encourage également les banques à redoubler de vigilance avec les clients qui achètent un bien immobilier en vue de le louer. Dans ce cas, le rapport entre le prêt et la valeur de la maison est plafonné à 80 %. Les banques ne peuvent s’écarter que de 10 % de leur volume total de prêts dans ce segment de crédit. Il faut donc déjà disposer d’une solide épargne avant de se lancer dans une telle aventure. Car lorsque vous achetez un bien immobilier, vous payez également des droits d’enregistrement, des frais de notaire, des frais administratifs et des charges d’hypothèque.
L’intention de la Banque nationale n’est certainement pas d’empêcher les jeunes ménages d’acquérir un logement, puisqu’elle admet toujours des exceptions à la règle. En revanche, l’autorité de surveillance requiert plus de prudence, car les banques belges sont très exposées au marché immobilier. Aussi, les Belges se sont de plus en plus endettés ces dernières années, ce qui nous place au-dessus de la moyenne européenne. Traditionnellement, la Belgique connaît toutefois peu de cas de défauts de paiement dans le cadre de prêts hypothécaires. Il n’y a donc pas lieu de s’alarmer pour le moment. Mais ce n’est pas le seul risque qui préoccupe la Banque nationale.
La valeur de l’habitation, sur laquelle repose l’hypothèque, est un élément très important. La crise financière nous a appris que cette valeur peut chuter brutalement, ce qui entraîne des difficultés pour les banques et affecte l’ensemble de l’économie. C’est ce que nous avons constaté après la crise immobilière en Espagne et en Irlande il y a plus de dix ans. Les effets économiques de ces chocs immobiliers ont été ressentis bien au-delà de leurs frontières. Une telle crise immobilière n’a rien d’inconcevable en Belgique. La Banque nationale a récemment indiqué qu’au cours des neuf premiers mois de l’année dernière, les prix de l’immobilier étaient surévalués de 13,5 % en Belgique. Entre-temps, les prix ont continué à grimper à un rythme spectaculaire, notamment ceux des maisons quatre façades avec jardin.
Voici ce qui se passe lors d’une crise immobilière. Un choc de taux d’intérêt sur les marchés financiers, par exemple, peut avoir une incidence majeure sur le prix des habitations. Nous nous sentons alors plus pauvres et dépensons moins d’argent, ce qui a pour effet d’entraîner un ralentissement de l’économie. Parallèlement, les banques voient la valeur des garanties de tous les prêts hypothécaires figurant dans leur bilan diminuer. Il leur sera donc plus difficile d’accorder de nouveaux prêts, et le prix des maisons se mettra à baisser davantage. En un rien de temps s’enclenche une spirale descendante qui peut être très profonde et durable.
class="base-L">S’il est vrai que nous, les Belges, sommes très riches, cette richesse est répartie de manière inégale et se concentre largement dans l’immobilier justement. La valeur de ces biens immobiliers n’a pratiquement pas cessé d’augmenter au cours des cinquante dernières années, faisant de la Belgique un cas presque unique au monde. Ne faut-il pas s’attendre à un coup de froid ? En d’autres termes, est-il encore intéressant d’acheter une maison ? Une fois le confinement levé, Belfius prévoit effectivement un léger refroidissement. Mais, fondamentalement, tous les facteurs permettant aux prix d’évoluer à la hausse sur le long terme demeurent inchangés : les taux d’intérêt restent bas, le revenu disponible des Belges est élevé, et la demande de logements continuera d’être forte. Les taux hypothécaires, qui se situent autour de 1,30 % actuellement, ont tendance à augmenter très légèrement, mais ils restent de toute façon historiquement bas.