10 novembre 2022
Frank Maet
Senior Macro Economist @Belfius
Véronique Goossens
Chief Economist @Belfius
La crise énergétique actuelle est-elle une malédiction ou une bénédiction pour les énergies renouvelables? Selon les chiffres du think tank Ember, la production mondiale d'électricité à partir de sources renouvelables telles que le solaire et l'éolien a augmenté plus rapidement que la demande d'électricité au cours du premier semestre 2022. 416 térawattheures (TWh) d'électricité renouvelable ont été produits. Cela représente plus de quatre fois la consommation totale d'électricité en Belgique. La production renouvelable croît ainsi à un rythme plus rapide que la consommation mondiale, qui a augmenté de 389 TWh. La production mondiale d'énergie éolienne a augmenté de 19% et celle d'énergie solaire de 25% au cours du premier semestre 2022. Globalement, l'énergie solaire représente désormais 5% de l'électricité mondiale et l'énergie éolienne 8%. Les énergies renouvelables sont en outre de moins en moins coûteuses. Même avant la crise actuelle, l'énergie éolienne et solaire était moins chère que la production à partir de combustibles fossiles dans de nombreux pays. L'augmentation considérable des prix du gaz n'a fait qu'accroître l'avantage, en termes de coûts, des énergies renouvelables par rapport au charbon et au gaz.
Dans notre pays, l'année 2022 a également été, jusqu'à présent, une excellente année pour les énergies renouvelables. Février a vu un nouveau record pour l'énergie éolienne, et l'été dernier une production d'énergie solaire sans précédent. Avec la hausse des prix de l'énergie et un taux de TVA temporairement réduit, on assiste à une véritable ruée sur les panneaux solaires. Les installateurs ont d’ailleurs du mal à satisfaire la demande. De janvier à août, les énergies renouvelables ont représenté 27% de toute l'électricité produite en Belgique.
Mais il y a aussi de mauvaises nouvelles. En dépit du succès croissant des sources d'énergie renouvelables, les émissions de gaz à effet de serre ont continué d’augmenter. Ces émissions plus élevées sont en grande partie dues à la guerre en Ukraine et à la baisse des exportations russes de pétrole et de gaz. La Chine a fortement augmenté sa production de charbon et les États-Unis ont fait de même en ce qui concerne le gaz de schiste. La pénurie de gaz russe en Europe n'a été que partiellement comblée par les importations de GNL en provenance d'autres pays. Dans le même temps, la production d'énergie nucléaire en France a été décevante cette année, car de nombreuses centrales étaient en maintenance. En raison de l'été sec, la production hydroélectrique a elle aussi été moindre. Par conséquent, la production de charbon est également nécessaire pour compenser cette pénurie temporaire. L'Agence internationale de l'énergie (AIE) prévoit que l'utilisation du charbon dans l'UE augmentera de 7% cette année, dans la foulée d'un bond de 14% en 2021.
En outre, l'AIE prévient que la forte baisse des approvisionnements en gaz en provenance de Russie posera encore des problèmes l'an prochain. Pour cet hiver, les stocks de gaz sont pleins à près de 95%. Cette situation est toutefois due à un certain nombre de facteurs favorables, tels qu'un été exceptionnellement chaud et une faible demande chinoise de GNL, qui pourrait ne pas se reproduire l'année prochaine. Pour réduire sa dépendance à l’égard de la Russie, l'Europe doit réduire sa consommation de gaz et produire beaucoup plus d'énergie renouvelable. La transition vers les énergies propres doit donc s'accélérer de façon spectaculaire. La Commission européenne a par conséquent renforcé ses ambitions dans ce domaine avec le plan REPowerEU, qui vise à rendre l'Europe indépendante des combustibles fossiles russes bien avant 2030.
Outre les 12 milliards d'euros destinés à réformer les infrastructures de gaz naturel et de pétrole à court terme, le plan prévoit un déploiement plus rapide de nouveaux projets dans le domaine de l'énergie solaire et éolienne. Bruxelles a élaboré une loi d'urgence pour que les pays européens puissent rapidement produire davantage d'énergie renouvelable. La Commission entend s'attaquer aux lenteurs des procédures d’octroi de permis pour la construction de parcs éoliens et de champs de panneaux solaires. La loi d'urgence lui permettra de contourner le Parlement européen, et les mesures prendront effet dès que les États membres auront donné leur accord.
L'hydrogène vert a également un rôle important à jouer dans le plan d'accélération de la transition énergétique. L'hydrogène vert est une source d'énergie créée à partir d'énergies renouvelables telles que les éoliennes et les panneaux solaires. Il est principalement utilisé pour stocker de l'énergie pendant de longues périodes. Pour nous affranchir totalement du gaz et du pétrole russes, nous avons besoin de grandes quantités d'hydrogène renouvelable en plus de l'électricité renouvelable. En effet, tout ne peut pas être électrifié. Dans de nombreuses applications dans les secteurs de la chimie et de l'industrie lourde, ce n'est souvent pas envisageable. En faisant fonctionner ces procédés à l'hydrogène vert pour remplacer le charbon, le gaz et le pétrole, il est également possible de rendre plus durable l'industrie, d'une grande importance pour notre économie. Une autre application consiste à utiliser l'hydrogène vert comme moyen de stockage. La production d'électricité à partir de l'énergie éolienne et solaire peut fluctuer fortement, car elle dépend des conditions météorologiques. Il peut en résulter des excédents d'électricité produite durablement sur le réseau, par exemple lorsque le vent est fort et que la demande d'électricité est faible. À ces moments-là, l'électricité excédentaire pourrait être utilisée pour produire de l'hydrogène vert, qui agit alors comme une «batterie» d'énergie qui pourra être utilisée plus tard.
Le gouvernement belge a de grandes ambitions pour l'hydrogène renouvelable et a déjà déployé sa stratégie fédérale en matière d'hydrogène l'an dernier. Celle-ci doit faire de la Belgique la plaque tournante de l'importation et du transit d'hydrogène vert et un pionnier de la technologie de l'hydrogène. À cet égard, le statut actuel de plaque tournante du gaz naturel de notre pays et notre situation géographique sont des atouts majeurs.
La situation géopolitique et les marchés de l'énergie ont été fondamentalement modifiés cette année par l'invasion russe en Ukraine. Les mêmes combustibles fossiles qui sont à l'origine de la crise énergétique actuelle menacent de faire basculer le monde dans une crise climatique. Une transition plus rapide des combustibles fossiles aux énergies renouvelables nous rendra moins dépendants des importations d'énergie incertaines, coûteuses et polluantes en provenance de l'étranger.
Sources:
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