29 septembre 2023
Frank Maet
Senior Macro Economist @Belfius
Véronique Goossens
Chief Economist @Belfius
Le marché du logement résiste-t-il dans un contexte d'inflation élevée et de hausse des taux? La situation de l’immobilier résidentiel a fortement changé en peu de temps. Dans les années qui ont suivi le Covid-19, le secteur a connu un véritable boom, alimenté par une augmentation de la demande de logements et les niveaux bas des taux qui étaient nécessaires pour donner un ballon d’oxygène à l’économie après les confinements. Cette évolution a pris fin brutalement quand la Russie a envahi l’Ukraine au printemps 2022. La guerre sur le sol européen a entraîné une envolée du prix des matières premières et de l’énergie et une explosion de l’inflation. Sur les marchés obligataires, les taux à long terme ont grimpé, sous la pression des chiffres élevés de l’inflation et la BCE s’est vue contrainte d'augmenter fortement son taux directeur. De ce fait, les taux hypothécaires en Belgique (voir graphique 1) ont plus que doublé en un an.
Graphique 1. Emprunter est devenu plus cher
Emprunter pour acheter, construire ou rénover une habitation est donc devenu beaucoup plus cher. L’impact de la hausse des taux se traduit clairement par un affaiblissement de l'activité sur le marché des achats en 2023. Pour la première fois depuis 2020, le nombre de ventes au premier trimestre de cette année n’a pas atteint le seuil de 50.000. Au dernier trimestre de 2022, le nombre de transactions s’élevait encore à quasi 65.000. L'activité dans la construction résidentielle se refroidit également. Au cours des cinq premiers mois, 14,5 pour cent de permis de bâtir de moins ont été délivrés que durant la même période de l’an dernier.
Cependant, en dépit des vents contraires, les investissements résidentiels des ménages belges se maintiennent. Au premier semestre, près de 7,5 milliards d'euros ont été investis par trimestre dans le marché immobilier, ce qui n'est pas loin du pic de la fin de l'année dernière. Le graphique 2 montre qu'au cours de ces dernières années, les Belges sont passés à la vitesse supérieure en matière d'investissements dans les logements.
Graphique 2. Les investissements dans les logements se sont accélérés à partir de 2021.
Ce chiffre va quand même encore devoir beaucoup augmenter ces prochaines années. Si nous voulons réaliser les objectifs climatiques, il faut investir beaucoup plus à l’avenir dans les rénovations pour rendre les habitations existantes moins énergivores dans notre pays. La majeure partie du parc résidentiel belge a été bâtie avant 1970, quand l’isolation était l’exception plutôt que la règle. En comparaison avec les pays voisins, nous consommons plus d’énergie pour nous chauffer. Trois quarts de l'énergie que nous consommons à domicile sont consacrés au chauffage. En Europe, seuls le Luxembourg et la Slovaquie font encore pire. Selon les objectifs climatiques européens, toutes les habitations doivent être neutres sur le plan climatique d’ici 2050. D’ici là, chaque maison ou appartement devra être aussi économe en énergie qu’une construction neuve actuelle avec un label CPE A (Certificat de prestation énergétique). La Banque nationale de Belgique estime que 10 à 16 milliards d’euros d’investissements supplémentaires par an seront nécessaires pour atteindre cet objectif. Cela représente un tiers, voire la moitié, de tout ce qui a été investi dans le marché du logement belge au cours de 2022.
En dépit de l’affaiblissement de l’activité sur le marché du logement et de la construction, les prix de l’immobilier résistent bien en Belgique jusqu’à présent. Le prix des maisons a baissé au deuxième trimestre 2023 par rapport au premier trimestre, mais reste plus cher qu’il y a un an. Le prix de vente moyen d'une maison était de 285 000 euros et celui d'un appartement de 239 000 euros en moyenne (voir graphique 3).
Graphique 3. Prix de vente médians pour les maisons et appartements en Belgique.
L'indice des prix de l'immobilier résidentiel permet de comparer l'inflation immobilière dans notre pays avec celle du reste de l'Europe. Cela montre que dans les pays voisins, les prix nominaux de l’immobilier subissent une pression à la baisse depuis plusieurs trimestres. La baisse des prix depuis le pic de 2022 est ici moins prononcée qu’en Allemagne, aux Pays-Bas et en France.
Graphique 4. Pourcentage de baisse/augmentation au T1 2023 depuis le pic des prix en 2022
Le pic des prix et la correction qui suit arrive avec un décalage chez nous. Vu l'affaiblissement de l'activité sur le marché du logement et l’effet de la hausse des taux, nous nous attendons à ce que les prix moyens de l’immobilier résidentiel belge baissent après l’été. La correction que nous prévoyons est toutefois moins prononcée que dans les pays voisins. Chez nous, la hausse des prix nominaux durant la période du T3 2020 - T2 2022 était moins spectaculaire que dans nos pays voisins, de telle sorte que la baisse de prix que nous attendons sera également moins forte. D'autres facteurs qui freinent la chute des prix nominaux de l’immobilier en Belgique sont la demande robuste sur le marché du travail et l’indexation automatique des salaires qui soutiennent tous deux la croissance des revenus des ménages.
Nous nous attendons à ce que les prix des maisons soient inférieurs en moyenne de 0,5% à ceux de 2022. Nous prévoyons une stabilisation des prix au cours de l’an prochain. En raison de l’effet de débordement de la baisse des prix prévue au second semestre de cette année, les prix des maisons en 2024 seront, sur la base des attentes, inférieurs de 1,5% en moyenne à ceux de 2023.
Graphique 5. Historique et évolution attendue de l'indice des prix de l’immobilier résidentiel (Belgique)