Nicolas Deltour
Head of Investment Strategy
Robbe Van Hauwermeiren
Investment Strategy
7 août 2023
Nicolas Deltour
Head of Investment Strategy
Robbe Van Hauwermeiren
Investment Strategy
Selon les estimations, le bitcoin entraîne l’émission de 65,4 mégatonnes de CO2. Cela représente plus de deux tiers des émissions annuelles totales de CO2 de l’ensemble de l’économie belge. De ce fait, l’empreinte écologique de la cryptomonnaie fait, à juste titre, l’objet de nombreuses critiques. Pourquoi le bitcoin est-il si polluant? Pourquoi l'initiative chinoise d’interdire le minage de bitcoins a-t-elle entraîné une augmentation des émissions? Et l’impact des cryptomonnaies sur l’environnement implique-t-il qu’elles n'ont pas d'avenir dans un monde plus vert?
Le bitcoin est avant-gardiste car il introduit un système de paiement où il n’est pas nécessaire d'avoir une autorité centrale qui valide et traite les paiements. Les utilisateurs du réseau de bitcoins entretiennent eux-mêmes le réseau et valident les transactions. Mais comment pouvons-nous faire confiance à ces utilisateurs pour qu'ils ne trompent pas le réseau et ne fassent pas des transactions qui transfèrent frauduleusement des bitcoins sur leur propre compte? Grâce au principe proof-of-work, le bitcoin en tant que système de paiement est impossible à tromper mais, finalement, il consomme aussi – intentionnellement – beaucoup d’énergie.
Comment fonctionne exactement le bitcoin? Différents utilisateurs font des transactions en bitcoin entre eux. Ces transactions sont réunies en blocs. Chaque bloc comporte une sorte de clé ou de casse-tête qui est résolu par les mineurs de bitcoins. Le premier qui réussit à résoudre le casse-tête reçoit une récompense sous forme de nouveaux bitcoins. En échange de ces bitcoins, le mineur doit créer un nouveau bloc et le remplir avec de nouvelles transactions. Ce bloc de transactions est présenté aux autres utilisateurs du réseau, qui peuvent facilement évaluer si les transactions sont correctes ou frauduleuses. Si les transactions sont illégitimes ou frauduleuses, le réseau rejette les transactions et le mineur perd sa récompense. Le mineur a donc tout intérêt à n’ajouter que des transactions correctes et à les faire valider par le réseau.
Seul le mineur de bitcoins qui réussit le premier à résoudre le casse-tête gagne une récompense en bitcoins et obtient le droit de valider et enregistrer de nouvelles transactions dans un nouveau bloc qu’il a créé. La résolution de ce casse-tête demande beaucoup de puissance de calcul. Les mineurs rivalisent donc pour obtenir de la puissance de calcul. Et la puissance de calcul exige de l’énergie. Chaque validation d’un nouveau bloc implique également la validation de tous les blocs précédents avec des transactions. Celui qui veut transférer frauduleusement un certain nombre de bitcoins de quelqu’un vers son propre compte devra être le premier à réussir à résoudre le casse-tête. Plus encore, il devra aussi être le premier à réussir tous les casse-têtes par la suite. Cela signifie qu’un utilisateur ne peut frauder que d'une seule façon: en détenant plus de 50% de toute la puissance de calcul. Vu la quantité énorme d'énergie nécessaire à cette fin, c’est une tâche quasi impossible.
Dès lors, l’énergie requise pour valider des transactions dans le réseau de bitcoins est essentielle pour la sécurité du réseau. Plus le nombre d’utilisateurs qui rivalisent pour résoudre le casse-tête et gagner de nouveaux bitcoins est élevé, plus l’algorithme augmente la difficulté du casse-tête, et plus il faut consommer de l’énergie pour continuer à entretenir le réseau. En ce sens, le bitcoin consomme intentionnellement beaucoup d'énergie.
Dans un monde de plus en plus ravagé par les conséquences du réchauffement climatique, un système transactionnel qui consomme autant d'énergie est difficile à justifier. L’empreinte des cryptomonnaies représente également un risque pour le marché des cryptomonnaies proprement dit. Différents pays ont déjà exprimé leurs préoccupations concernant les conséquences des cryptomonnaies pour l’environnement. Aux USA, plusieurs Etats ont déjà discuté de mesures ou en ont appliquées pour limiter l’empreinte du minage de bitcoins. Par exemple, l’état de New York a interdit le minage de bitcoins basé sur des carburants fossiles.
En Chine, le gouvernement a été encore plus loin. Pour lutter contre la pollution, le minage de bitcoins a été entièrement interdit. Cependant, des études démontrent que cette mesure a eu l’effet inverse. En Chine, les mineurs recouraient en grande partie à l’énergie hydraulique renouvelable. Quand, après l’interdiction, ils ont déménagé principalement dans des pays comme le Kazakhstan et les États-Unis, ils ont consommé beaucoup plus d’électricité issu de carburants fossiles, comme le charbon et le gaz.1
L’utilisation de sources d'énergie plus propres pour le minage de bitcoins est à l'origine de multiples discussions. Les partisans du bitcoin prétendent souvent que plus de 50% de la consommation du réseau proviennent de sources d’énergie plus propres. Mais, selon une étude réalisée par MIT, la consommation provient d’énergie renouvelable pour 21,5% et d'énergie nucléaire pour 18,2%.2
D'autres argumentent que les mineurs de bitcoins peuvent même avoir un impact positif sur l’environnement.3 Le gros problème de l’énergie solaire et éolienne est qu’elle ne fournit pas de flux de courant continu et ne produit de l'énergie que quand le vent souffre ou quand le soleil brille. De plus, la demande est souvent élevée aux heures où ces systèmes ne produisent pas d'électricité. Pourtant, cette énergie n’est généralement pas stockée dans des batteries, de telle sorte qu’une quantité énorme d’énergie se perd. Selon CoinDesk, les mineurs de bitcoins seraient disposés à racheter et à stocker ces excédents d'énergie.4 Comme cette énergie serait autrement perdue, cela pourrait augmenter le chiffre d'affaires des énergies renouvelables.
En outre, les mineurs de bitcoins pourraient contribuer à l’amélioration de l’efficacité du réseau électrique. Au Texas, par exemple, un programme a été lancé pour inciter les mineurs de bitcoins à réduire leur consommation d’énergie aux heures où la demande est élevée. Ils contribuent ainsi à une demande d'énergie plus stable, mais évidemment aussi plus élevée.
Enfin, les mineurs de bitcoins sont capables de convertir le gaz méthane en énergie. Les fuites de méthane des lieux de déversement des déchets et d’installations pétrolières et de gaz abandonnées constituent un gros problème parce qu’en tant que gaz à effet de serre, le méthane est 80 fois plus nocif que le CO2.5 Selon la World Bank, les montagnes de déchets émettent environ 11% du total des émissions de méthane mondiales, pourcentage qui, selon les estimations, pourrait passer à 70% d’ici 2050. Les entreprises de minage de bitcoins, comme Vespene et XcelPlus, utilisent du méthane issu de montagnes de déchets pour produire de l’électricité et miner des bitcoins. Comme les mineurs de bitcoins sont très mobiles, ils sont capables de s'installer aux alentours des fuites de méthane et de réduire considérablement les émissions de gaz à effet de serre. Bien qu’il s’agisse d'une piste prometteuse, des exemples tels que XcelPlus sont aujourd’hui encore plutôt anecdotiques.
Quand le bitcoin est arrivé sur le marché, l’application du principe proof-of-work pour créer un système de paiement décentralisé était une invention révolutionnaire. Mais il s’est rapidement avéré que ce procédé présentait de gros inconvénients. La quantité d'énergie nécessaire pour l’entretien du réseau non seulement nuit à l’environnement mais a également pour effet que le réseau ne peut traiter que très lentement un grand nombre de transactions. Vu la moindre capacité du bitcoin en tant que système de paiement, il ne peut pas remplacer les réseaux de paiement traditionnels.
Il en a résulté que les nouvelles cryptomonnaies n’appliquent que rarement le principe polluant proof-of-work. Elles appliquent de plus en plus le principe proof-of-stake. Dans ce cadre, les mineurs ne doivent pas résoudre de casse-tête pour valider des transactions. Les utilisateurs du réseau – c’est-à-dire les propriétaires des cryptomonnaies – peuvent être sélectionnés sur la base d’algorithmes pour valider des transactions et être récompensés avec de nouvelles monnaies. Plus vous avez de cryptomonnaies, plus vous avez de chances d’être sélectionné. Alors que pour le bitcoin, vous avez besoin de 51% de la puissance de calcul du réseau pour tromper celui-ci, dans le système « proof-of-stake », vous avez besoin de 51% de toutes les monnaies.
Cela rend les petites cryptomonnaies un peu plus vulnérables. S’il s’agit d’un réseau crypto mature avec une grande capitalisation de marché, cela nécessite toutefois d'énormes investissements. Mais, même si quelqu’un réussit à rassembler de tels montants, il ne voudra quand même pas tromper le réseau. Vu que toutes les transactions sont publiques, les utilisateurs remarqueront rapidement que 51% des monnaies sont concentrées sur un seul compte et ils vendront leurs monnaies, ce qui fera plonger la valeur. Le fraudeur aura alors 51% de ces monnaies sans valeur.
Il est important de savoir que, selon le principe proof-of-stake, il n'y a plus besoin de puissance de calcul pour valider des transactions. De ce fait, les nouvelles monnaies sont beaucoup moins polluantes. Récemment, Ethereum – la plus grande cryptomonnaie du monde après le bitcoin – a modifié son code de telle sorte qu’elle utilise à présent aussi le principe proof-of-stake plus vert. Etherum a ainsi réduit son empreinte-carbone de pas moins de 99,99%!6 L'argument selon lequel les cryptomonnaies sont mauvaises pour l'environnement, et ne peuvent donc pas jouer un rôle dans un avenir vert, ne tient pas.
Il est cependant peu vraisemblable que le bitcoin changera son algorithme comme Etherum. Cependant, dans un monde où l'impact environnemental des investissements joue un rôle de plus en plus important, cela peut constituer un désavantage concurrentiel pour le bitcoin.
1
https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S2542435122000861
2
https://climate.mit.edu/posts/climate-impacts-bitcoin-mining-us#:~:text=These%20findings%2C%20based%20on%20grid,generation%20mix%20is%20significantly%20lower
3
https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0928765523000313
4
https://www.coindesk.com/consensus-magazine/2023/03/06/bitcoin-mining-is-good-for-the-energy-grid-and-good-for-the-environment/#:~:text=Bitcoin%20can%20drive%20renewable%20energy,to%20each%20of%20these%20issues
5
https://www.unep.org/news-and-stories/story/how-secretive-methane-leaks-are-driving-climate-change
6
https://www.ey.com/en_ch/technology/how-does-the-ethereum-merge-help-the-real-and-virtual-world-save-energy
Ce document, rédigé et publié par Belfius Banque, donne la vision de Belfius Banque et ne contient pas de conseil en investissement personnalisé, pas de recommandation d’investissement, ni de recherche indépendante en matière d’investissement. Si vous êtes à la recherche de conseils en investissement personnalisés, vous pouvez vous adresser à votre conseiller financier qui se fera un plaisir d’examiner avec vous les effets éventuels de cette vision sur votre portefeuille d’investissements personnel. Les chiffres mentionnés sont des instantanés et sont susceptibles d’évoluer.
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