26 juni 2024

Nicolas Deltour

Nicolas Deltour
Head of Investment Strategy

Olivier Fumiere

Olivier Fumiere
Investment Strategy

Sans surprise, la Banque centrale américaine (Fed) a maintenu, en juin, ses taux à 5,25%-5,50%. Dorénavant elle ne prévoit plus qu'une seule baisse de taux en 2024. Cette révision constituerait-elle un obstacle pour les marchés boursiers américains?

La Fed reste prudente


Les prix à la consommation aux États-Unis ont stagné en mai après une progression de 0,3% en avril. Sur une base annuelle, la hausse est de 3,3% là où le marché tablait sur 3,4%. L'indice Core CPI, excluant les denrées alimentaires et de l'énergie dont les prix sont plus volatils, affiche également une moins forte augmentation à 0,2% en mai, après 0,3% en avril.


Graphique 1: évolution de l’inflation (headline CPI) et de l’inflation de base (Core CPI) US

MMI graph 1 - w26-1


Malgré ces chiffres encourageants, la Fed considère que les progrès réalisés pour atteindre l’objectif d’inflation de 2% restent trop modestes. Elle a donc décidé en juin de maintenir ses taux à 5,25%-5,50% tout en mentionnant qu’une baisse de taux dépendra de données à venir. L’évolution de l’emploi et les salaires fait l’objet d’une attention particulière. Les créations d’emplois restent fortes. Elles dépassent les attentes de mai (+272 000) et la croissance du salaire horaire moyen reste élevée (4,1% en glissement annuel). 1


La Fed semble plus focaliser son attention sur les risques d'inflation que sur ceux de l'économie en général. La projection médiane des membres du comité de la Fed (Federal Open Market Committee) ne montre désormais qu'une seule baisse des taux de 0,25% cette année. Parmi ces membres, 4 ne s'attendent à aucune baisse cette année, 7 en prévoient une seule et 8 en envisagent deux (voir graphique 2).


Cependant, les projections médianes montrent encore quatre baisses en 2025 et quatre supplémentaires pour 2026. Les taux directeurs de la Fed devraient donc diminuer dans le futur, ce qui est plutôt rassurant pour les marchés.


Graphique 2: projections des taux des membres du comité de la Fed

MMI graph 2 - w26-2


Les taux comme vecteur de performance des marchés


Le deuxième semestre de 2023 est caractérisé par une forte corrélation entre la bourse américaine et les anticipations de taux de la Fed, une plus forte anticipation de baisse de taux coïncidant avec une hausse du S&P 500, et vice versa.


Le fort rebond de près de 10% du S&P 500 entre la mi-octobre à la fin d’année 2023 par exemple, coïncide avec une révision de près de 1% (ou 4 baisse de 0,25%) de baisse supplémentaire de la part de la Fed et une baisse des taux à 10 ans de l’Etat américain de 5% à 3,8%.1


Une autre dynamique de marchés en 2024


Depuis le début 2024, cette relation entre les taux et l’indice S&P 500 semble s’être renversée (voir graphique 3). Faut-il s’en inquiéter pour autant?


En tout cas, les marchés ne semblent pas s’en inquiéter. En dépit du niveau actuel des taux directeurs, la vigueur persistante de l'activité économique américaine ne montre pas de signe d’affaiblissement. Les taux à dix ans ont même augmenté, passant de 3,8% au début de l'année à 4,25%1. Pourtant, le marché boursier a tenu bon, grimpant encore plus haut.


Des taux qui resteraient plus élevés pourraient être le signal d’une amélioration des perspectives de croissance économique et favoriser la croissance des bénéfices des entreprises. Les anticipations de croissance de ceux-ci du S&P 500 pour les 12 prochains mois se sont d’ailleurs accélérées au cours de l’année 2024 (graphique 3). Les bénéfices augmenteraient de 12% au cours des 12 prochains mois.


Graphique 3: croissance des bénéfices des entreprises du S&P 500 pour les 12 prochains mois

MMI graph 3 - w26-1

Les rendements du passé ne constituent pas des indicateurs fiables des rendements futurs.


Observons toutefois que le niveau atteint par la valorisation, c’est-à-dire par le ratio cours / bénéfices estimés des 12 prochains mois du S&P 500, a fortement augmenté pour atteindre plus de 20. Cela signifie que la prime de risque, c’est-à-dire le surplus de rendement exigé par le marché pour investir en actions, s’est fortement comprimée au cours des dernières années pour atteindre 0,6% au 12/6/20242.


D’autres risques existent:

  • une économie qui viendrait à se détériorer de façon inattendue réduisant en même temps la croissance des bénéfices des entreprises, ceci même si la Fed intervenait en abaissant rapidement ses taux directeurs
  • une réaccélération de l’inflation qui amènerait la Fed à envisager une politique monétaire plus restrictive.

Conclusion


Les nouvelles projections de baisse de taux de la Fed ne semblent pas constituer un obstacle majeur pour la progression des marchés boursiers américains. L’inflation semble toujours évoluer dans le bon sens et devrait amener la Fed à baisser ses taux une première fois fin de cette année. En l’absence de récession et de réaccélération de l’inflation, les marchés boursiers américains devraient encore pouvoir progresser.



1 Source: Refinitiv – 18-06-24
2 La prime de risque est l’inverse du ratio prix – bénéfice moins le taux à 10 ans américain.



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