Isabelle Verhulst
Head of Wealth Analysis & Planning
27 mai 2024
Isabelle Verhulst
Head of Wealth Analysis & Planning
Il est possible d’opter pour un régime de séparation des biens tout en maintenant une certaine solidarité entre époux via une variante « adoucie » du régime de la séparation des biens.
Dans un régime de séparation pure et simple des biens, tous les revenus (professionnels, mobiliers, immobiliers...) des époux, ainsi que leurs dettes, leur appartiennent personnellement. Ce régime est fréquemment choisi par les indépendants, qui peuvent ainsi protéger leur conjoint d’une éventuelle faillite. Le revers de la médaille est que, en cas de divorce ou de décès d’un des époux, celui qui n’a que peu ou pas de revenus, par exemple parce qu’il s’est consacré à l’éducation des enfants et n’a pas travaillé durant une partie importante de sa vie, sera lésé car il ne se sera pas constitué de capital durant le mariage.
L’exemple classique est celui de Pierre et Hélène: ils sont mariés depuis 30 ans, sous le régime de séparation des biens pure et simple et ont trois enfants. Lorsqu’ils se sont mariés, ils n’avaient ni l’un ni l’autre de patrimoine. Mais Pierre a fait une très belle carrière en tant que cardiologue tandis qu’Hélène a cessé de travailler à la naissance de leur premier enfant, pour s’occuper de la maison et de l’éducation des enfants, et par la suite, à titre bénévole, des formalités administratives du cabinet de son mari.
A 55 ans, Pierre et Hélène décident de divorcer. Suite à cette séparation, le patrimoine propre d’Hélène est très limité (50.000€, dont elle a hérité de ses parents). En revanche, le patrimoine de Pierre est confortable (200.000€, issus principalement de son activité professionnelle, ainsi que la maison familiale, d’une valeur de 500.000€, qu’il a intégralement financée). En vertu de leur régime matrimonial, Hélène n’a en principe aucun droit sur le patrimoine de Pierre et risque de se retrouver dans une situation financière difficile après leur séparation.
Il est cependant possible de prévoir une séparation des biens avec participation aux acquêts. Cela signifie que les patrimoines restent séparés durant le mariage mais, qu’en en cas de divorce ou de décès, les acquêts (c’est-à-dire principalement les revenus) réalisés pendant le mariage sont partagés entre les époux, sur base d’un pourcentage déterminé par les époux dans leur contrat de mariage.
Les époux vivent en séparation mais se séparent (ou décèdent) en communauté. De cette manière, les conjoints peuvent opter pour plus de solidarité entre eux, tout en conservant les avantages du régime de la séparation des biens (par ex. la protection du patrimoine familial ou la protection contre des créanciers professionnels).
Si Pierre et Hélène avaient réalisé un contrat de séparation de biens avec participation aux acquêts, prévoyant une clé de répartition 50/50, la situation aurait été la suivante lors du divorce: le juge, sur base du contrat de mariage, aurait établi que Pierre a « gagné » 700.000€ durant son mariage, alors qu’Hélène n’a « gagné » que 50.000€. Le gain final du ménage est 700.000 – 50.000€, soit 650.000€. La clé de répartition choisie étant 50/50, Pierre devra payer 325.000€ à Hélène.
Il faut noter que la participation aux acquêts porte uniquement sur les revenus du conjoint et non sur ses éventuelles pertes, ce qui est la caractéristique principale d’un régime de séparation de biens. Cela signifie donc que le décompte final (au moment du divorce ou du décès) ne prendre en principe pas en compte les dettes respectives des époux.
Ce régime matrimonial permet donc aux époux d’accorder, de commun accord, un filet de sécurité à l’époux économiquement le plus faible.
Une clause de participation aux acquêts peut également (en Wallonie et à Bruxelles uniquement), procurer un avantage fiscal non négligeable en cas de décès du conjoint le plus fortuné. En effet, tout ce que le conjoint survivant recueille en vertu de la clause de participation aux acquêts sera en principe exonéré de droits de succession.
Il est possible d’opter pour ce régime soit lors de votre mariage, soit par après, via une modification de votre contrat de mariage auprès de votre notaire.
Cet article contient uniquement des informations générales qui ne tiennent pas compte de votre situation individuelle et ne constitue donc pas un conseil juridique, fiscal ou financier. Les informations sont basées sur la jurisprudence et la loi en vigueur au moment de la rédaction de cet article. Toute nouvelle législation ou évolution jurisprudentielle n’est pas prise en considération dans le cadre de la rédaction de cet article.