Le 6 novembre dernier, il est rapidement apparu que Donald Trump serait le 47e président des États-Unis. Dès le lendemain, le président de la banque centrale américaine, Jerome Powell, montait au créneau. Comme on pouvait s’y attendre, il a réduit le taux à court terme de 0,25%. Quelles conséquences pourraient avoir le retour de Trump sur l’économie et les marchés financiers?
Bien que sa victoire n'ait pas été une grande surprise, son ampleur et sa rapidité l'ont été. Les marchés, qui spéculaient déjà depuis début octobre sur une victoire de Trump, sont passés à la vitesse supérieure. Ainsi, le 6 novembre:
- l’euro est passé de 1,09 à 1,07 dollar
- les petites valeurs américaines ont gagné en moyenne 4%
- le bitcoin a franchi la barre des 75.000 dollars
- le cours de l'action Tesla a bondi de près de 15%
- le taux US à dix ans a augmenté de 0,15% à 4,45%
Politique économique de Trump: vers plus d’inflation?
Les lignes de force de la campagne de Trump étaient claires: réduire les impôts, limiter l'immigration, expulser les migrants illégaux et imposer des tarifs douaniers.
Sa première priorité est de prolonger la baisse d’impôt sur le revenu des personnes physiques, qu'il a introduite en 2017 et qui profite surtout aux plus riches. Il souhaite également réduire l'impôt sur les sociétés de 21 à 15%, ce qui explique en grande partie l’enthousiasme des investisseurs en actions.
Toutefois, le déficit budgétaire, déjà supérieur à 6% du produit intérieur brut (PIB)1, menace de déraper. Un dérapage que Trump espère éviter en réduisant les dépenses publiques et en imposant des tarifs douaniers.
Il envisage d’instaurer des droits de douane généralisés de 10% (voire 20%) sur toutes les importations aux USA, et même de 60% sur toutes celles en provenance de Chine. Et ce n'est pas la seule mesure qui pourrait alimenter l'inflation. Moins d'immigration signifie aussi moins de main-d'œuvre et des exigences salariales plus élevées, pouvant à leur tour se répercuter sur les prix.
Avec une majorité au Congrès, Trump a les mains libres – du moins jusqu'aux élections de mi-mandat en novembre 2026 – pour concrétiser ses projets. Va-t-il instaurer des tarifs douaniers dès son entrée en fonction? Ou les menaces de droits de douane visent-elles plutôt à obtenir des concessions de la part de ses partenaires commerciaux? Difficile à dire, mais il pourrait commencer par des mesures ciblées à l'encontre de la Chine, avant d'en élargir le champ d'application.
Ajustement des convictions Belfius
Le conseil de maintenir ses investissements reste valable: à moyen terme, le cycle économique influence davantage la performance des marchés que les résultats des élections.
Après analyse des récents mouvements, nous pensons que la tendance haussière des actions américaines pourrait encore persister pendant un certain temps. Les petites entreprises américaines qui, ces dernières années, se sont fait nettement distancer par les «large caps», pourraient rattraper leur retard, notamment grâce à l’accent mis par Trump sur la politique industrielle nationale.
Les actions européennes, quant à elles, sont plutôt vulnérables, vu la fragilité de la croissance économique. En 2025, la croissance européenne pourrait même devenir négative si Trump mène une politique étrangère dure en imposant des droits de douane sur les importations. Le poids des actions européennes dans un portefeuille d'actions bien diversifié a encore été ramené à environ 25%. Quant aux actions américaines, elles atteignent quelque 62% de la part des actions.
Pour l'instant, la pondération des pays émergents est maintenue à 10% du portefeuille d'actions. Des tarifs douaniers élevés sur les importations peuvent nuire au secteur des exportations chinoises, mais peut-être moins que beaucoup ne le pensent.
Les exportations de biens à destination des USA représentent moins de 3% du PIB de la Chine. Compte tenu d’une compensation via le taux de change (un Yuan plus faible), d’une politique tarifaire adaptée et d’une pénétration de la production chinoise vers d'autres marchés, selon Capital Economics, l'impact d’un tarif douanier atteignant même 60% sur tous les produits en provenance de Chine serait bien en-deçà de 1% du PIB chinois. Un impact que la Chine peut largement compenser par des mesures fiscales visant à stimuler l'économie.2
Concernant les produits de taux, nous épinglons la hausse des taux à plus long terme aux USA et le risque que cela peut entraîner pour certaines économies émergentes. Pour l'Europe, les éventuelles mesures commerciales de Trump seront cruciales pour la croissance économique. C'est pourquoi les taux de l'UE pourraient potentiellement être décorrélés de ceux des États-Unis. Le 7 novembre, le taux allemand a brièvement flirté avec la barre des 3,50% mais depuis, il est déjà retombé à 3,32%.3
Trump rétif à l'énergie verte
Sous la présidence de Joe Biden, les USA ont pris des mesures pour stimuler l'économie verte. La loi dite «Inflation Reduction Act» (IRA) a permis de débloquer des milliards sous forme de subventions, d'allègements fiscaux ou de prêts à taux réduits pour encourager les entreprises et les ménages à investir dans les technologies vertes.
Trump est convaincu que la réduction ou la suppression des lois environnementales aura un effet positif sur l'économie et permettra de réduire l'inflation4 . Il va continuer à soutenir le secteur US du gaz et du pétrole, même si celui-ci produit déjà à des niveaux record. Il se pourrait donc que les prix pétroliers chutent, ce qui rendrait les énergies alternatives moins attractives. Depuis octobre, l'indice boursier des énergies alternatives a perdu 15%.5
Nous restons toutefois convaincus du potentiel des entreprises qui s'engagent en faveur du climat. À court terme, la tendance négative pourrait encore persister un peu. Des investissements étalés dans le temps et un horizon à long terme sont nécessaires. Et qui sait, peut-être Elon Musk parviendra-t-il à contrer une politique anti-énergie verte trop agressive?
Belfius reste optimiste à l'égard des marchés boursiers américains
À court terme, les investisseurs en actions voient la victoire de Trump comme une bonne nouvelle, notamment en raison de ses intentions de réduire les impôts des entreprises. À plus long terme, la performance des actions dépend essentiellement des attentes en matière de bénéfices et de croissance. Si Trump met en œuvre un grand nombre des projets qu'il a annoncés, ceux-ci pourraient bien stimuler l'inflation, mettant ainsi un frein à la croissance future.
Dans l’immédiat, cela ne devrait pas freiner les marchés boursiers. Nous pensons que l'enthousiasme pour l'IA va se renforcer et que les investisseurs continueront à rechercher les bénéfices de cette technologie transformative. Cela permettra de résister aux éventuels vents contraires de la politique de Trump.