Véronique Goossens
Chief Economist @Belfius
Frank Maet
Senior Macro Economist @Belfius
Une crise politique guette-t-elle l’UE ? La Cour constitutionnelle allemande de Karlsruhe déclare que la Banque centrale européenne va trop loin en rachetant de grandes quantités d’obligations d’État. La BCE dispose de trois mois pour démontrer que son PSPP (Public Sector Purchase Program) de rachats de dettes, qui a commencé en 2015, n’est pas excessif. À défaut, la Banque centrale allemande, la Bundesbank, ne pourra plus participer à la politique de rachat appliquée par la BCE, selon ce jugement.
Les achats énormes d’obligations constituent une partie de la politique monétaire non conventionnelle de la BCE, par laquelle elle essaie d’amener l’inflation dans la zone euro à un niveau de 2 %. À la suite de la crise financière de 2008, les banques centrales d’Europe, des USA et du Japon ont commencé à racheter massivement des obligations d’État. Entre-temps, la BCE a déjà racheté pour 2.200 milliards d’euros de dette publique via le PSPP (voir graphique). Cette politique est contestée dans le nord de la zone euro, mais surtout en Allemagne, qui se distingue par sa parcimonie. Les achats de la BCE permettent de maintenir des taux bas dans la zone euro, ce dont profitent les pays très endettés (comme l’Italie et la Grèce). Mais cela comporte aussi des inconvénients : les taux bas pèsent sur la rentabilité du secteur bancaire et privent les épargnants et les investisseurs de revenus d’intérêts.
La Cour européenne de Justice a réagi en disant qu’elle est la seule compétente pour porter un jugement sur une instance européenne comme la BCE. Et que les Allemands ne sont dès lors pas de taille. Quoi qu’il en soit, le doute plane. Qu’arrivera-t-il si la Bundesbank doit vraiment arrêter ces achats ? Les marchés réagissent de façon plutôt laconique à la démarche. Antérieurement, la Cour constitutionnelle allemande a déjà posé des questions sur ces achats, avec un effet positif. D’autre part, le potentiel d’une instabilité politique perdure dans la zone euro.
À partir du mois de juillet, l’Allemagne va assumer pour six mois la présidence de l’Union européenne et elle va devoir coordonner des dossiers importants, comme la réaction au Covid-19 et au Brexit. Le plus grand défi sera, sans doute, d’élaborer un programme de relance économique pour remettre l’économie européenne sur les rails. Les gouvernements de l’UE sont bien d’accord sur la nécessité d’un plan de relance mais il subsiste d’importants désaccords entre les États membres concernant son envergure et son financement. La condamnation allemande de la politique de la BCE ne facilitera certainement pas les discussions.
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