Guerre des vaccins : représailles en vue?

Annelore Van Hecke
Senior Macro Economist @Belfius


Véronique Goossens
Chief Economist @Belfius

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  • La société exprime de plus en plus son mécontentement face au retard de l’Europe sur le front de la vaccination
  • Cette année, la croissance économique dépendra largement de la vitesse de la vaccination
  • L’Europe instaure un contrôle sur les exportations de vaccins, mais on pourrait bien assister à un retour de manivelle politique

Plus d’un an après le début des mesures de confinement, il est pénible de voir la situation traîner en longueur, et de subir de nouvelles restrictions, comme en Belgique. Le malaise au sein de la société augmente en Europe, surtout parce que les campagnes de vaccination ne répondent pas aux attentes. Le graphique ci-dessous indique que non seulement les États membres européens accusent désespérément du retard par rapport au Royaume-Uni et aux États-Unis, mais que le fossé continue également de se creuser, alors qu’un mouvement de rattrapage devrait au contraire se dessiner. La pression politique pour accélérer la cadence ne cesse de croître.

Si la lenteur des vaccinations engendre un coût social élevé, celui à payer au niveau économique s’annonce également substantiel. La pandémie fait perdre chaque jour quelque 3 milliards d’euros à l’Union européenne. C’est ce que révèlent des documents qui ont fait l’objet de discussions au Parlement européen. Cette année, la croissance économique dépendra largement de la vitesse de la vaccination et donc du calendrier de la réouverture de l’économie. Tout retard dans le processus de vaccination ne fait que différer la relance économique, et cause par ailleurs des dégâts permanents toujours plus graves à notre tissu économique, par de nouvelles faillites et de nouveaux licenciements. Par la suite, il faudra aussi plus de temps avant que les investissements des entreprises se rétablissent pleinement. Le budget public continuera à déraper tant que l’on fera appel à des primes d’aide, du chômage temporaire et un droit passerelle pour les indépendants.

Selon les prévisions de la Commission européenne en février dernier, la croissance de la zone euro se situera cette année dans une fourchette de 2,25% à 5,25%, en fonction du rythme de vaccination. Le scénario de base tablait sur une croissance de 3,8%. Dans ce contexte, la guerre des vaccins actuelle ne surprend personne. Fin de la semaine dernière, les dirigeants européens se sont mis d’accord pour instaurer pendant six semaines un contrôle strict sur les exportations de vaccins vers des pays qui, soit produisent eux-mêmes des vaccins mais n’en exportent pas, soit sont beaucoup plus avancés dans leur campagne de vaccination. En ligne de mire, surtout, les exportations de vaccins AstraZeneca vers le Royaume-Uni. La Commission européenne s’indigne qu’AstraZeneca serve prioritairement le marché britannique, alors que les livraisons à l’Europe ont été réduites à moins d’un tiers de la quantité promise de vaccins au premier trimestre.

L’Union européenne, productrice mondiale de vaccins, a exporté depuis décembre environ 77 millions de vaccins, dont 21 millions au Royaume-Uni. Pour leur part, le Royaume-Uni et les États-Unis n’ont rien exporté et sont accusés de « nationalisme vaccinal ». Avec le nouveau mécanisme de contrôle sur les exportations, la Commission européenne veut aussi avoir une meilleure vue sur le nombre de vaccins produits en Europe et exportés, en référence à la récente « découverte » de 29 millions de doses du vaccin AstraZeneca dans une usine italienne.

Même si l’Union européenne montre à juste titre qu’elle ne se laisse pas marcher sur les pieds, on peut se demander si l’action fera avancer les choses. Si l’Union européenne peut empêcher les exportations de vaccins, ceux-ci restent la propriété des producteurs. À court terme, cela pourrait contribuer à fournir davantage de doses au marché européen, mais on pourrait alors assister à un retour de manivelle politique. Pour une grande partie des matières premières nécessaires à la fabrication des vaccins, l’UE se fournit en effet auprès de pays tiers, parmi lesquels le Royaume-Uni et les États-Unis. Personne n’y gagnera quoi que ce soit si les chaînes d’approvisionnement internationales sont perturbées et que la production de vaccins en Europe doit être mise à l’arrêt.

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