Frank Maet
Senior Macro Economist @Belfius
Véronique Goossens
Chief Economist @Belfius
Le R.-U. a entamé 2021 de façon désastreuse. La découverte du variant britannique du virus Covid-19 et son agressivité ont poussé le pays dans un nouveau confinement. Juste après la sortie du marché unique, le commerce avec l'UE s’est effondré, provoquant le chaos aux frontières. Mais dès février, le vent a commencé à tourner. La rapidité avec laquelle les Britanniques sont vaccinés est source d’optimisme pour la population. La confiance des entreprises est également en hausse maintenant que l’incertitude du Brexit s’est enfin éloignée.
Le début d'année médiocre pousse à nouveau l’économie vers une contraction au premier trimestre, mais celle-ci ne sera pas aussi grave qu’on le craignait. Selon la Bank of England, dès le printemps, les circonstances en faveur d’une reprise musclée de la croissance seront réunies. Le Premier ministre Boris Johnson a présenté un plan progressif d’assouplissement du confinement, qui doit permettre une réouverture de l’économie le 21 juin. L’économie britannique bénéficiera également d’un coup de pouce supplémentaire grâce à l’augmentation des dépenses publiques. Lors de la présentation de son budget, le ministre des Finances Rishi Sunak a annoncé que le gouvernement injectera encore 65 milliards de livres (75,5 milliards d’euros) supplémentaires dans l'économie. Les emplois étant protégés jusque fin septembre, la banque centrale estime que le chômage ne devrait pas beaucoup augmenter.
Grâce à la combinaison des vaccinations rapides et des aides publiques, le R.-U. est sur la bonne voie pour tourner la page sombre du Covid-19. Mais que se passera-t-il après ? Comment le R.-U. envisage-t-il de compenser à plus long terme le dommage économique dû à sa sortie de l’UE ? Ce mois-ci, Boris Johnson a présenté sa vision d’avenir. Le plan pluriannuel pour 2021-2026, intitulé « Build Back Better: our plan for growth », est clairement un clin d'œil aux plans à long terme du président américain Joe Biden.
Car le gouvernement conservateur britannique entend lui aussi investir davantage dans l’infrastructure, l’innovation et la transition énergétique. Et ce, en mettant plus encore que par le passé l’accent sur le développement économique en dehors de Londres et du sud-ouest du R.-U. Au cours des dernières décennies, la croissance économique a surtout profité à la capitale et à sa région limitrophe. Creusant ainsi l’écart de prospérité entre les régions. En 1998, Londres contribuait à la création de valeur ajoutée brute du Royaume-Uni à hauteur de 20%. En 2018, ce chiffre avait déjà grimpé à 24% (voir graphique).
Pour donner un élan économique aux régions, huit nouveaux « freeports » vont être créés. Il s’agit de zones clairement délimitées, dans lesquelles les entreprises paient peu ou pas d’impôts, et qui sont souvent situées à proximité d'un aéroport ou d’un port maritime. Boris Johnson espère que ces « ports francs » généreront davantage de commerce et d'emplois, compensant ainsi une partie du dommage engendré par le Brexit. Mais de nombreux économistes doutent de leur utilité. Le R.-U.
applique de toute manière déjà des droits d'importation peu élevés, et une étude indique que souvent, les « freeports » ne font que déplacer l’activité d'un endroit à un autre.
Deuxième pilier de croissance sur lequel le gouvernement mise gros : les investissements dans l’infrastructure. Après des années de sous-investissement, le mouvement de rattrapage est impressionnant. Au cours des cinq prochaines années, le gouvernement investira lui-même 700 milliards d’euros. Ces investissements sont essentiels si les Britanniques veulent ramener leurs émissions de C02 à zéro d’ici 2050. Plus de 80 pour cent des émissions de carbone sont liées à la production d'électricité, au chauffage, au transport et à l'industrie lourde.
Le R.-U. veut même devenir leader mondial en croissance propre. En dépensant lui-même 14 milliards d'euros et en attirant trois fois plus de capitaux privés, le gouvernement britannique entend mettre en marche une révolution industrielle verte et créer 250 000 emplois. En mettant l’accent sur les pompes à chaleur, les éoliennes offshore et les techniques de captage du CO2. Certains experts doutent de l’ambition du gouvernement Johnson de devenir précurseur dans la lutte contre le changement climatique. Par le passé, les Conservateurs britanniques n’ont jamais été de fervents partisans de la question. Récemment encore, ils soutenaient la candidature de l’Australien Mathias Cormann, un négationniste notoire du changement climatique, au poste de secrétaire général de l’OCDE. Selon les critiques, la rhétorique verte est davantage induite par le fait que ce sont les Britanniques qui organisent la conférence des Nations unies sur les changements climatiques COP 26, qui se tiendra plus tard cette année.