Frank Maet
Senior Macro Economist @Belfius
Véronique Goossens
Chief Economist @Belfius
Neutralité carbone de la Chine d’ici 2060. Lorsque le président Xi Jinping avait annoncé cet objectif climatique l’an dernier, cette nouvelle avait été bien accueillie. Selon des experts, il s’agissait de la principale concession dans la lutte contre le réchauffement climatique depuis l’accord de Paris de 2015. En effet, avec 28% des émissions mondiales de CO2, le pays est le plus grand pollueur au monde (voir graphique). Si la Chine parvient à son objectif, cela limiterait le réchauffement de la terre de 0,3 degré. En outre, cela incite d’autres pays de la région à affiner leurs ambitions. À l’instar de leur puissant voisin, le Japon et la Corée du Sud ont également annoncé des objectifs visant à réduire à zéro leurs émissions.
Mais comment le gouvernement chinois envisage-t-il d’y arriver? Les climatologues espéraient que le 14e plan quinquennal du début de ce mois serait plus détaillé, mais ils sont restés sur leur faim. Contrairement à la plupart des autres pays, la Chine ne fait pas de pronostic concernant ses émissions de CO2. Étant donné que pour 2021-2025, aucune norme de croissance du PIB n’a été fixée, il est également plus difficile de calculer les émissions de CO2 prévues. Beijing ambitionne cependant de réduire de 18 pour cent l’intensité des émissions de carbone de l’économie au cours des cinq prochaines années. Ce rythme est comparable au plan quinquennal précédent et est moins ambitieux qu’espéré. Le gouvernement prévoit que les émissions n’atteindront un pic qu’en 2030.
En outre, le nouveau plan ne freine pas l’exploitation d’énergie provenant du charbon, une source importante de pollution. La Chine tire près de 60 pour cent de son énergie du charbon et est le principal financier des centrales au charbon dans le monde entier. Le nouveau plan quinquennal prévoit de booster les investissements en vue de développer l’énergie alternative, tout en continuant à miser sur ‘l’utilisation efficace et propre du charbon’. Ces derniers propos surtout font froncer les sourcils. Selon les chercheurs, la Chine doit arrêter dès cette année à construire de nouvelles centrales au charbon si elle veut atteindre la neutralité carbone d’ici 2060.
En dépit des critiques justifiées, le plan climat chinois est bien plus qu’un effet d’annonce pour plaire à l’U.E. et au reste du monde. Des modèles montrent que de grandes parties de la Chine sont très sensibles aux conséquences du réchauffement climatique comme les catastrophes naturelles et une montée du niveau des mers. Le passage à une économie bas carbone améliorera considérablement la qualité de l’air dans les villes chinoises et pourra sauver de nombreuses vies.
Les plans climat s’inscrivent également dans la stratégie des Chinois qui veulent devenir un leader mondial technologique qui ne dépend pas de l’énergie. La transition vers une société neutre en carbone crée des opportunités pour accélérer l’innovation technologique et les modernisations industrielles. Cette grande puissance investit depuis des années déjà dans la production de panneaux solaires, d’éoliennes et de voitures électriques. Si la Chine aborde la transition intelligemment, elle pourra donner le ton en matière de technologie verte au cours des prochaines décennies.
La prochaine conférence sur le climat des N.U. (COP26) n’aura lieu qu’en novembre à Glasgow. Le gouvernement chinois a donc encore le temps de convaincre le reste du monde qu’il s’engage à fond pour ses ambitions climatiques.