Frank Maet
Senior Macro Economist @Belfius
Véronique Goossens
Chief Economist @Belfius
Dans la zone euro, les perspectives économiques commencent finalement à s’éclaircir. Le rythme des vaccinations a augmenté, ce qui fait baisser rapidement le nombre des contaminations et des décès dus au Covid-19. L’U.E. est toujours en retard sur le R.-U. et les États-Unis en matière de vaccination mais semble à présent suivre son schéma visant à vacciner 70% de la population adulte pour juillet. Les gouvernements nationaux continuent à assouplir les restrictions et cela fait du bien à l’économie. Le chiffre d’affaires du commerce de détail a déjà dépassé en mars le niveau d’avant la pandémie et cette tendance positive se poursuivra probablement au printemps et en été.
Ces dernières semaines, davantage de précisions ont été données sur le fonds de relance de l’U.E. (Recovery and Resilience Facility - RRF) qui doit permettre à l’économie européenne de se redresser. Les principaux États membres ont expliqué comment ils utiliseront leur dotation provenant de l’enveloppe de 672,5 milliards d’euros à des fins de subsides et prêts. L’U.E. a jusqu’à la fin juin pour évaluer les plans sur la base d’une série de critères. Si les plans répondent aux exigences de l’U.E., l’argent sera distribué aux États membres à partir de septembre. Les principales conditions sont qu’au moins 37 pour cent des dépenses soient consacrés aux investissements et aux réformes qui soutiennent les objectifs climatiques et que 20 pour cent soient affectés à la transition digitale.
L’Italie, la principale bénéficiaire des fonds européens, va injecter plus de 220 milliards d’euros dans la transition énergétique, la digitalisation, l’infrastructure, l’enseignement et l’inclusion sociale. Le gouvernement de Rome table sur une croissance supplémentaire du PIB de 3,6 pour cent d’ici 2026 grâce aux investissements. Le plan espagnol, intitulé ‘España puede’, mise sur la construction de nouvelles usines pour les batteries et les véhicules électriques. En tant que deuxième plus grand constructeur automobile de la zone euro, le pays ne veut pas prendre du retard dans la transition énergétique de l’industrie automobile. Avec son plan ‘France Relance’, la France veut investir au total 100 milliards d’euros, dont 40 milliards d’euros provenant de l’U.E. L’accent réside ici aussi sur la lutte contre le dérèglement climatique avec des investissements dans l’efficacité énergétique, les transports durables et les technologies vertes. Comparée au reste de la zone euro, l’économie allemande a moins souffert du Covid-19, de sorte qu’elle a moins besoin de l’aide de l’U.E. Les 28 milliards qu’elle recevra seront destinés à l’économie digitale et à la transition climatique. Pour la Belgique, nous avons récemment dressé le bilan.
Le pourcentage de croissance supplémentaire que généreront finalement tous ces milliards dépend de la quantité d’argent supplémentaire que les autorités pourront dépenser et de l’effet de ces dépenses sur l'économie. Généralement, 1 euro investi intelligemment engendre à terme plus de croissance du PIB que 1 euro de baisse d’impôt ou d’aide directe aux revenus. L’impact sur le PIB diffère aussi en fonction de la santé de l’économie. Dans une économie qui tourne bien en deçà de sa capacité normale, l’effet positif sur la croissance est plus grand que dans une économie qui n’a pas d’excédent de capacité. Cela signifie que nous pouvons nous attendre aux meilleurs résultats des plans de relance sur la croissance dans les pays qui ont connu le préjudice économique le plus important en 2020. C’est-à-dire l’Espagne, l’Italie, la France, la Grèce et le Portugal. Le plan de relance de l’U.E. fait mouche sur ces deux points: il vise essentiellement des investissements qui génèrent une croissance supplémentaire et les pays où l’activité économique a chuté le plus.
Avec son plan pour la reprise et la résilience, l’U.E. franchit donc une étape dans la bonne direction mais elle aurait pu aller plus loin encore. Dans ses dernières prévisions économiques, la Commission européenne prévoit qu’en 2021 et 2022, quelque 140 milliards d’euros (ou 1 pour cent du PIB) des subsides du RRF seront dépensés, ce qui générera 1,2 pour cent de croissance supplémentaire du PIB. Un résultat bien maigre comparé aux mesures fiscales outre-Atlantique. Le Fonds monétaire international a calculé que pendant la crise du Covid19, les États-Unis ont approuvé des aides fiscales pour près de 26 pour cent de son PIB et que cette année, contre 3,8 pour cent dans l’UE. Lorsqu’il est question d’aide fiscale, l’Europe est toujours en retard sur les États-Unis.