28 mars 2024
Annelore Van Hecke
Senior Macro Economist @Belfius
Nicolas Soenen
Senior Macro Economist @Belfius
Après la hausse spectaculaire des prix de l’énergie en 2021 et 2022, les prix de gros de l’électricité, du gaz et du pétrole se sont à nouveau stabilisés à des niveaux plus bas en 2023 (voir Illustration 1). Quelle incidence cette période de turbulences a-t-elle eue sur les factures d’énergie de nos entreprises? Et comment les ménages ont-ils surmonté la crise énergétique? Les mesures gouvernementales ont-elles permis de protéger les ménages vulnérables? Belfius Strategic Research s’est penché sur cette question en se basant sur des données de transaction anonymisées provenant de particuliers et d’entreprises clients de Belfius.
Illustration 1: Évolution des prix de l’énergie
Concernant les entreprises belges, l’augmentation moyenne du coût de l’énergie au cours de l’année de crise 2022 a été moins importante qu’initialement prévu. Dans notre étude, nous constatons une augmentation de 35 à 57% par rapport à 2021, en fonction du secteur (voir Illustration 2). Ce chiffre est nettement inférieur aux premières indications fournies par les entreprises elles-mêmes, interrogées à ce sujet par la Banque Nationale de Belgique.
Les entreprises interrogées ont déclaré, à la fin du mois de septembre 2022, une augmentation moyenne des coûts de l’électricité de 120% et des factures de gaz de 140% par rapport au début de l’année 2021.
Ces écarts importants s’expliquent de trois manières. Les mesures de soutien du gouvernement ont permis d’alléger quelque peu la facture. Par ailleurs, de nombreuses entreprises ont réduit leur production ou ont renforcé leur efficacité énergétique. Et enfin, comme le souligne la Banque Nationale elle-même, les résultats de ce type d’enquêtes sont souvent faussés par un «biais de pessimisme». Les données d’enquête témoignent à plusieurs reprises d’un pessimisme exacerbé de la part des répondants à l’égard de la situation et des perspectives économiques.
En 2022, la facture d’énergie des entreprises a continué d’augmenter, de 2% à 16%, selon les secteurs. La crise énergétique s’est donc fait davantage ressentir en 2023 – année où les prix de gros sont repartis à la baisse.
En 2023, le coût de l’énergie reste environ 27% à 55% supérieur à celui de 2019. Il n’y a rien de surprenant à cela, puisque les prix de gros restent également plus élevés qu’auparavant. En moyenne, on peut dire qu’en 2023 – par rapport à l’année 2019 –, les prix de l’électricité étaient encore plus de deux fois plus élevés, que le gaz est resté presque trois fois plus cher, et que les prix du pétrole ont enregistré une hausse de 30%.
Illustration 2: Évolution des coûts énergétiques annuels de l’entreprise médiane dans chaque secteur (en milliers d’euros)
Concernant les ménages, nous avons constaté une augmentation des coûts énergétiques au quatrième trimestre 2021 déjà (Illustration 3). En 2022, l’effet atténuateur des mesures de soutien à l’énergie s’est fait clairement ressentir: en avril (réduction de la TVA sur l’électricité et le gaz), en juin (prime de chauffage) et en novembre (première série de mesures de base pour l’électricité et le gaz). Grâce aux mesures gouvernementales, la facture énergétique médiane n’a augmenté «que» de 4,4% au cours de l’année de crise 2022. Parallèlement, nous constatons qu’environ 10% des ménages ont vu leur facture d’énergie au moins doubler, mais aussi qu’une grande partie des ménages a vu sa facture d’énergie diminuer par rapport à l’année précédente, grâce aux mesures de soutien.
Illustration 3: Évolution de la facture énergétique mensuelle médiane des ménages (en euros)
Il est intéressant de souligner que près de la moitié des ménages ont été peu affectés par la hausse extraordinaire des prix de l’énergie en 2022. Près de 60% des ménages étaient, en effet, encore protégés par un contrat d’énergie fixe et n’ont donc pas ou peu ressenti l’effet des fortes hausses de prix.
Les ménages ont en outre consommé moins d’énergie. Contraints par la hausse des prix, ils ont modifié leur comportement et investi dans l’efficacité énergétique. Les chiffres de Statbel indiquent que la consommation de produits pétroliers, de gaz et d’électricité des ménages belges en 2022 a été respectivement inférieure de 11%, 20% et 16% à celle de l’année précédente.
Au cours du premier semestre 2023, la facture énergétique des ménages a de nouveau diminué, sous l’effet de la baisse des prix de l’énergie, mais aussi grâce aux subventions énergétiques accordées au cours du premier semestre. La réforme de la facture énergétique, qui prévoyait l’introduction d’un droit d’accise supplémentaire en remplacement de la réduction permanente de la TVA, a entraîné une nouvelle hausse des factures d’énergie à partir d’avril 2023. Le tarif social élargi a disparu à partir de juillet. Quoi qu’il en soit, on observe pour l’ensemble de l’année 2023 une baisse de la facture énergétique médiane de -7,3% par rapport à 2022.
Les ménages vulnérables à faibles revenus ont été bien protégés. Nous avons subdivisé les ménages en trois catégories. Les 25% de ménages aux revenus les plus faibles appartiennent à la catégorie des bas revenus, les 25% de ménages aux revenus les plus élevés à la catégorie des hauts revenus, et les autres ménages à la catégorie des revenus moyens. En 2022, la facture médiane des ménages à bas revenus a diminué de 9,3%, tandis que celle des ménages à moyens et hauts revenus a augmenté de 6,7% et 14,9% respectivement (Illustration 4). Cela indique que les mesures énergétiques (en particulier l’élargissement conséquent du tarif social pour l’électricité et le gaz) ont fait mouche. En outre, le comportement peut également avoir joué un rôle majeur: il n’est pas illogique que les ménages vulnérables aient davantage réduit leur consommation d’énergie que les ménages plus aisés.
La facture énergétique annuelle des ménages à faibles revenus a une nouvelle fois augmenté de près de 15% à partir de 2023. Cela s’explique en grande partie par le fait qu’il a été mis fin au tarif social élargi le 30 juin 2023. Par ailleurs, les factures s’allègent dans les autres catégories de revenus. Dans la catégorie des revenus moyens, les factures sont 10% moins élevées, et même 22% moins élevées dans la catégorie des hauts revenus.
Illustration 4: Évolution de la facture énergétique mensuelle médiane des ménages (en euros)
Enfin, dans notre analyse, nous notons un écart important entre l’évolution de l’inflation énergétique et l’évolution réelle des coûts énergétiques pour les ménages. La forte hausse de l’inflation énergétique en 2022, qui a entraîné l’inflation globale, contraste fortement avec les augmentations limitées des factures d’énergie pour la majorité des consommateurs. L’inflation globale a été une surestimation de l’augmentation du coût de la vie, entraînant une surindexation des salaires en Belgique en 2022 et début 2023. Nous nous interrogeons dès lors quant à la méthode de calcul de l’indice des prix à la consommation, qui n’inclut que les prix des nouveaux contrats d’énergie et qui fait abstraction des contrats en cours.
Ce document, rédigé et publié par Belfius Banque, donne la vision de Belfius Banque et ne contient pas de conseil en investissement personnalisé, pas de recommandation d’investissement, ni de recherche indépendante en matière d’investissement. Les chiffres cités reflètent une situation à un moment donné et sont susceptibles d’évoluer.
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