2 février 2024
Véronique Goossens
Chief Economist @Belfius
L'année 2023 laissait présager un refroidissement pour le marché résidentiel belge, ce qui s’est avéré exact au vu de l’activité de la construction et du nombre de transactions. Pourtant, l'indice des prix de l’immobilier résidentiel a de nouveau augmenté en 2023. Au troisième trimestre de l'an dernier, une habitation coûtait 1,2 pour cent de plus que l’année précédente. Mais il arrive souvent que les moyennes ne disent pas tout…
Au cours des neuf premiers mois de 2023, le marché résidentiel a compté 18,3 pour cent de transactions immobilières de moins que durant la même période de 2022.
Source: statbel.fgov.be
De même, l'activité de la construction s’est considérablement ralentie: le nombre de permis de bâtir a baissé de près de 12 pour cent. C’est dans les permis de bâtir pour les maisons que le recul est le plus important.
Source: bnb.stat.be
Jusque début 2022, le taux était l'une des forces motrices de la forte demande sur le marché immobilier, ce qui a entraîné une forte augmentation de l’activité et des prix. En raison de la faiblesse des taux, les acquéreurs et les constructeurs pouvaient emprunter de l’argent bon marché. De même, les investisseurs s'intéressaient fortement au marché immobilier en tant qu’alternative aux revenus d’intérêts relativement bas des investissements classiques. Depuis lors, les taux à long terme sur les marchés financiers et les taux hypothécaires se sont accrus rapidement. Compte tenu en outre de l’incertitude économique, l’appétit pour l’achat d'habitations s’est tari.
Les taux à long terme sur les marchés financiers sont retombés depuis l'automne. Mais le potentiel d’autres baisses de taux dans un avenir proche semble limité. Dans nos perspectives de taux, nous tenons compte pour 2024 d'une hausse du taux des obligations d’État belges (durée de 10 ans).
Source: bnb.stat
À première vue, il semble que les prix de l’immobilier résidentiel, contrairement à l'activité, aient relativement bien résisté au choc des taux. Le graphique 4 montre que, dans notre pays, une habitation coûtait en moyenne 1,2 pour cent de plus au troisième trimestre de 2023 que l’année précédente.
Source: statbel.fgov.be
En 2023, les prix immobiliers belges ont clairement mieux résisté que dans les pays voisins. Dans la zone euro, les prix des maisons ont diminué en moyenne de 2,2 pour cent au troisième trimestre. Ce sont surtout l’Allemagne et les Pays-Bas qui ont connu une chute brutale des prix depuis le pic atteint en 2022.
Source: statbel.fgov.be
La croissance nominale des prix immobiliers dans notre pays masque la valeur de cet immobilier, laquelle a bel et bien baissé. Si vous en déduisez l’inflation, vous arrivez à une baisse de la valeur réelle de 2,4 pour cent.
De plus, les prix moyens occultent la dynamique sous-jacente du marché du logement belge. Ces dernières années, le clivage se creuse de plus en plus entre les habitations économes en énergie et les immeubles qui ont un mauvais score énergétique.
Les plans européens pour le climat imposent que toutes les habitations belges aient un label CPE A (Certificat de prestation énergétique) d’ici 2050. (tableau 1).
Tableau 1 Valeur du CPE*
Label | Paramètre | |||
---|---|---|---|---|
A+ | Moins de 0 kWh/m2/an | |||
A | Entre 100 et 0 kWh/m2/an | |||
B | Entre 200 et 100 kWh/m2/an | |||
C | Entre 300 et 200 kWh/m2/an | |||
D | Entre 400 et 300 kWh/m2/an | |||
E | Entre 500 et 400 kWh/m2/an | |||
F | Plus de 500 kWh/m2/an |
*: Le score énergétique indiqué sur le CPE est un paramètre indiquant la consommation d'énergie primaire par mètre carré de superficie au sol, libellée en kWh/m²/an.
En Flandre, une obligation de rénovation est en vigueur depuis 2023. Toute personne qui achète une habitation avec un score E ou F doit obligatoirement la rénover dans les cinq ans pour obtenir au minimum un score D. Dès lors, les acquéreurs de ces habitations sont confrontés à un investissement supplémentaire. C’est pourquoi les habitations qui sont déjà économes en énergie se vendent souvent plus rapidement et plus cher. Une étude montre qu’il existe une différence de prix de 14,6 pour cent entre deux habitations identiques dont l’une a une valeur CPE de F et l’autre, une valeur CPE de D. Cet écart grimpe jusqu’à 30 pour cent en cas d’habitations comparables avec une valeur CPE de B ou plus.
La scission du marché immobilier selon la ligne de rupture durable - non durable se voit clairement dans les indices des prix immobiliers pour les maisons neuves versus existantes. En été de l’an dernier, le prix de ces dernières a stagné, tandis que celui des habitations neuves augmentait de plus de 5 pour cent.
Nous nous attendons à ce que l’influence du niveau du CPE sur les prix des maisons et appartements augmente de plus en plus, car la réglementation va encore se durcir. En même temps, la rénovation énergétique drastique d'une habitation coûte de plus en plus cher.
La diminution du nombre de permis de bâtir délivrés en 2023 entraîne une pénurie de l’offre dans le segment économe en énergie. Par ailleurs, la demande d’habitations demeure solide en raison du nombre croissant de ménages. Cela empêche les prix de descendre.
Pour les habitations existantes, nous nous attendons à une baisse du prix des maisons de 3 pour cent en moyenne cette année. Les habitations neuves vont continuer à être prisées et leur prix va augmenter. Dans l’indice des prix immobiliers, les habitations existantes ont une pondération d’environ 2/3, de telle sorte que le pronostic pour l'indice des prix immobiliers total s'établit à une baisse de 1,5 pour cent. Nous nous attendons à ce que le prix des immeubles existants remontent à partir de 2025, mais ils resteront à la traîne par rapport à la montée des prix des habitations neuves.
% croissance | 2022 | 2023 | 2024 | 2025 | ||||||||
---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|
prix de l’immobilier résidentiel | 5,6 | 1,5 | -1,5 | 1,9 | ||||||||
habitations neuves | 5,3 | 3,5 | 2,1 | 3,1 | ||||||||
habitations existantes | 5,7 | 0,5 | -3,3 | 1,3 |
Source: SPF Économie; Belfius Research
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