Le Far West du monde financier

D’une manière générale, les gouvernements et les régulateurs financiers ne voient pas les cryptomonnaies d’un bon œil. Ainsi, ces autorités déconseillent souvent aux investisseurs d’acheter des cryptomonnaies en invoquant le risque de pertes importantes, voire de fraude. Et pourtant, malgré leur méfiance, elles ne se sont pas empressées de légiférer en la matière. Dès lors, le secteur des cryptomonnaies s’est développé dans un vide juridique, avec, à la clé, d’une part une protection limitée, voire inexistante, pour les investisseurs qui effectuent leurs premiers pas sur le marché des cryptomonnaies et d’autre part, le champ libre laissé à tous les développeurs malintentionnés. Ce véritable «Far West» financier a causé des dizaines de milliards de pertes pour les investisseurs rien qu’en 2022, en raison notamment de la déconfiture de la cryptomonnaie LUNA et de la faillite de la plateforme crypto FTX.

En se contentant de déconseiller aux gens d’acheter des cryptomonnaies, sans leur offrir par ailleurs la protection d’une réglementation solide, les autorités ont fait preuve de négligence à l’égard d’un nombre important de (jeunes) investisseurs. Fin avril 2023, le Parlement européen a toutefois approuvé une loi visant à y mettre bon ordre. Le règlement sur les marchés des cryptoactifs (MiCA) a pour objectif de protéger les utilisateurs et les investisseurs, et de lutter contre les abus et les manipulations de marché.

Qu’est-ce qui change?

La nouvelle réglementation vise en particulier les développeurs et émetteurs de cryptomonnaies en leur imposant plusieurs conditions à l’exercice de leurs activités. La création d’une cryptomonnaie passe généralement par la publication d’un white paper (livre blanc). Cette étape initiale est désormais obligatoire. Certaines informations doivent s’y retrouver, comme les principaux risques. En outre, les émetteurs de cryptomonnaies doivent également expliquer l’impact de leur «devise» sur le climat. Dans un premier temps, il avait été question d’interdire les cryptomonnaies dites proof of work. Ce mécanisme, sur lequel repose le Bitcoin, par exemple, consomme en effet beaucoup d’énergie. Finalement, l’Union européenne n’est pas allée aussi loin et s’est contentée d’imposer une obligation de déclaration de l’impact environnemental. Les nouvelles cryptomonnaies utilisent presque exclusivement des mécanismes beaucoup plus propres. Ethereum, par exemple, est également passé récemment à un mécanisme dit proof of stake, économe en énergie.

La nouvelle législation vise plus particulièrement les stablecoins. Ces cryptomonnaies sont liées à la valeur d’une devise traditionnelle, généralement le dollar américain. Or, l’effondrement de la stablecoin LUNA a clairement montré que ces cryptomonnaies manquent parfois de stabilité. L’UE exige donc désormais, entre autres, que les émetteurs de stablecoins maintiennent des réserves de liquidités suffisantes.

Enfin de la clarté

Comme nous l’avons souligné plus haut, les autorités se sont trop longtemps abstenues, au-delà de la simple recommandation de ne pas acheter de cryptomonnaies, d’offrir une protection appropriée à de nombreux investisseurs, et en particulier aux jeunes. Alors que les États-Unis s’en tiennent à cette position, l’UE clarifie enfin la situation en créant un cadre réglementaire général. Selon l’UE, cette réglementation vise non pas à freiner le développement de ce secteur, mais au contraire à stimuler l’utilisation et l’innovation en la matière. L’UE se place ainsi l’avant-garde dans ce domaine.

Une telle réglementation est bénéfique pour les utilisateurs, mais également pour le secteur des cryptomonnaies à long terme. L’incertitude qui règne aux États-Unis freine l’innovation et l’investissement dans le secteur. En Europe, les conditions que les cryptomonnaies et les plateformes de cryptomonnaies doivent remplir pour être actives sur le marché européen ont été clairement définies. L’Europe dispose dès à présent d’un avantage concurrentiel par rapport à d’autres économies.

Binance, la plus grande plateforme crypto au monde, a salué la réglementation européenne et l’a même qualifiée de tournant pour le secteur crypto. À ses yeux, l’approche adoptée par l’UE peut inspirer d’autres régions, telles que les États-Unis.

Une réglementation claire pourrait également rendre les cryptomonnaies plus accessibles pour les acteurs institutionnels. Jusqu’à présent, les grands investisseurs institutionnels sont généralement restés à l’écart des cryptomonnaies non seulement en raison du risque élevé de fraude, mais aussi de l’incertitude juridique. Or, des obligations de déclaration plus strictes et une supervision accrue limitent ce risque de fraude. En outre, la position constructive de l’UE et ses réglementations claires créent un environnement sûr pour les institutions (financières). Par exemple, l’UE souligne que les établissements de crédit agréés n’ont pas besoin d’autorisation supplémentaire pour offrir des services liés aux cryptomonnaies, dans le nouveau cadre juridique.

Le nouveau règlement européen est une étape importante vers un marché mature des cryptomonnaies. Une meilleure protection des utilisateurs et des investisseurs, et une plus grande sécurité juridique pour les développeurs peuvent être positives pour l’innovation et la croissance du marché européen des cryptomonnaies.

Ce document, rédigé et publié par Belfius Banque, donne la vision de Belfius Banque sur les marchés financiers. Il ne contient pas de conseil en investissement personnalisé, pas de recommandation d’investissement, ni de recherche indépendante en matière d’investissement. Si vous êtes à la recherche de conseils en investissement personnalisés, vous pouvez vous adresser à votre conseiller financier qui se fera un plaisir d’examiner avec vous les effets éventuels de cette vision sur votre portefeuille d’investissements personnel. Les chiffres mentionnés sont des instantanés et sont susceptibles d’évoluer.