Le succès de ChatGPT a provoqué une onde de choc dans le secteur technologique. La popularité du chatbot a poussé d'autres entreprises technologiques à passer à la vitesse supérieure dans le développement de leurs propres modèles d’intelligence artificielle. Comme nous l’expliquions dans un article précédent, un rush s’est par exemple produit au niveau des puces les plus sophistiquées, avec pour effet d’impressionnantes hausses de cours de producteurs de puces, comme Nvidia.

La course à l’intelligence artificielle est aussi une course à la suprématie sur Internet. Pas étonnant que des entreprises comme Microsoft, Alphabet et Meta mettent les bouchées doubles pour la remporter. Qu’ont-elles déjà entrepris à cet effet? Nous faisons le point pour vous.

Le succès de ChatGPT

La véritable innovation de ChatGPT réside surtout dans la manière dont il permet aux gens d’interagir directement avec l’intelligence artificielle (IA). Des entreprises technologiques utilisent des modèles IA très sophistiqués depuis plusieurs années, mais principalement pour soutenir des produits existants. ChatGPT, en revanche, recourt à l’IA non pas pour soutenir un autre service, mais pour proposer son modèle d’IA directement comme un bien de consommation.

Cette approche a tapé en plein dans le mille. De peur que la concurrence la devance, l’entreprise lançait fin 2022 une version provisoire. Après 5 jours, ChatGPT franchissait le cap du million d’utilisateurs actifs. Après 2 mois, la barre des 100 millions était atteinte¹. À titre de référence, Facebook et Twitter ont eu besoin de respectivement 10 mois et 2 ans pour franchir le cap du million.

La pénurie de puces crée des barrières

Or il n’est pas certain que l’avenir d’internet soit centralisé. Il se peut aussi que différents modèles IA (plus petits) émergent et remplissent chacun leur propre fonction. Cette version décentralisée d’internet serait plus en phase avec notre internet actuel.

Problème: en raison de l'énorme pénurie de puces, il est très difficile pour les petites entreprises de déployer de nouveaux modèles IA. Une entreprise telle que Nvidia domine le marché pour les GPU (graphic processing units), une puce bien spécifique convenant idéalement aux applications IA. La production ne peut pas suivre la demande. Dans de telles circonstances, un producteur de puces aura tendance à privilégier les plus grands clients, à savoir les entreprises technologiques majeures. De ce fait, les petits acteurs ont à peine accès aux puces (et donc à la puissance de calcul), et sont contraints de collaborer avec de grandes entreprises technologiques qui possèdent l’infrastructure de centres de données.

La pénurie de puces joue donc en la faveur du big tech et d’un avenir centralisé d’internet.

La course à l’IA

De grandes entreprises technologiques ont rapidement compris que ChatGPT représentait une menace de taille pour leurs modèles d'affaires. Devenir la référence incontestable en matière d’IA est devenu leur priorité. D’où la course qui s’est engagée entre elles. S’il est difficile de dire qui finira par l’emporter, certaines entreprises ont déjà plus d’avance que d'autres.

Microsoft passe en tête

Microsoft a été le premier à réagir. Le géant technologique a acheté pour 10 milliards de dollars 49% des actions d’OpenAI, l’entreprise derrière ChatGPT. Cela lui a d’emblée permis de prendre la tête de la course à l’IA. L’acquisition s’est avérée profitable pour OpenAI, qui a maintenant accès aux centres de données de Microsoft.

Comment Alphabet veut reprendre la tête

Avant l’avènement de ChatGPT, Alphabet, société mère de Google, a été pendant des années le leader du développement de l’IA. Il y a 10 ans, elle a acheté DeepMind, une entreprise technologique britannique spécialisée dans l’IA. DeepMind conçoit des réseaux de neurones. Ces modèles IA sophistiqués imitent le cerveau humain. DeepMind a, par exemple, créé AlphaGo, premier programme à avoir réussi à battre un joueur professionnel du jeu chinois Go, considéré comme le plus complexe au monde². Google Brain, une autre branche de l’entreprise qui développe aussi des modèles IA sophistiqués, a réalisé de grandes percées, notamment en reconnaissance vocale et d’images ou traitement du langage.

Lorsqu’elle a perdu sa position de leader au profit de Microsoft, Alphabet a réagi énergiquement. L’entreprise comptait initialement sur Google Bard pour rivaliser avec ChatGPT. Alors que d'après des tests, le programme n'a rien à envier à ChatGPT en termes de précision et de convivialité, il n’est pas parvenu à obtenir des succès similaires. Pourtant, le programme peut être intégré dans d'autres applications telles que Gmail.

Or, il a récemment été annoncé que l’entreprise lancerait bientôt Google Gemini. Gemini combine la puissance du modèle linguistique de Google, qui devrait soi-disant être aussi puissant que celui de ChatGPT, avec les modèles IA de DeepMind et Google Brain. À cet effet, les deux branches IA de l’entreprise ont été fusionnées afin d’unir leurs forces.

Gemini surpassera-t-il ChatGPT?

S’il est incroyablement fort pour rédiger, traiter et traduire des textes, ChatGPT a aussi ses limites. Google Gemini serait apparemment bien plus polyvalent. Le programme comporterait différents modèles capables d’interpréter le langage, mais aussi – contrairement à ChatGPT – des vidéos et des images. Google Gemini serait capable d’analyser des graphiques ou de contrôler des logiciels via des commandes vocales.

La puissance de Google Gemini réside peut-être aussi dans les données auxquelles il donne accès: Vidéos YouTube, Google books, données du robot de recherche de Google et articles universitaires via Google Scholar. En permettant d’accéder à une source intarissable de vidéos YouTube, le modèle pourrait même générer des vidéos sur la base d’un input de texte.

Gemini semble déjà devenir nettement plus polyvalent que ChatGPT, avec plus d'applications. Microsoft s'attelle actuellement à l’intégration de ChatGPT dans sa gamme Office. Google peut cependant aller encore plus loin dans l’intégration de Gemini dans ses autres applications. Gemini peut être intégré dans Gmail, Google Docs et Spreadsheets (les équivalents de Microsoft Outlook, Word et Excel), ainsi que dans YouTube et Google Search. Mais attendons le lancement du projet avant de pouvoir en tirer une conclusion définitive. La date officielle n’est pas encore connue.

Meta et Microsoft s'allient

Microsoft ne reste certes pas inactif. Meta, la société mère de Facebook, a lancé le mois dernier Llama 2. Étonnamment, elle s’est pour cela associée à Microsoft. Comme ChatGPT, Llama 2 est un modèle linguistique. Mais contrairement à ChatGPT, il s'agit d’un modèle open source. Cela veut dire que le code lié au modèle est disponible – gratuitement – pour chacun. Cela signifie aussi que des développeurs peuvent utiliser le code afin de concevoir de nouvelles applications et peuvent même proposer des améliorations au code.

Pour Microsoft, il s'agit d'une démarche assez étrange, puisqu’il entre ainsi en concurrence, dans un sens, avec OpenAI. Initialement, cette entreprise avait pour vision de garder ses modèles en open source, mais elle y a renoncé, entraînant les vives critiques du cofondateur Elon Musk. Cette démarche démontre en tout cas que Microsoft veut gagner à tout prix la course à l’IA, quitte à parier sur deux chevaux à la fois.

Llama 2 pourrait bel et bien représenter une menace pour ChatGPT et Gemini. Le modèle a beau être compétitif, il ne semble pas encore être doté de l’intelligence de la dernière version de ChatGPT³. Des tests démontrent toutefois que les utilisateurs préfèrent se servir de Llama 2 comme chatbot. Mais comme Llama 2 est open source, le modèle ne peut pas profiter de la créativité et des efforts d’un réseau décentralisé complet de développeurs, pouvant individuellement apporter des améliorations et concevoir d'autres applications. Cela pourrait éventuellement avantager Meta dans le futur.

À qui la victoire?

La personne qui connaît la réponse à cette question pourrait engranger des rendements potentiels substantiels sur le marché d'actions. L’issue de telles courses éliminatoires dans le domaine technologique est cependant toujours très difficile à prévoir. L’évolution de la technologie IA est fulgurante, et celui qui a la main aujourd'hui pourrait tout aussi bien la perdre demain.

Une chose est sûre: avec ChatGPT, OpenAI ne peut pas rester les bras croisés. D’ici la fin de l'année, Google lancera probablement avec Gemini un ensemble de modèles qui, conjointement, seront bien plus polyvalents que ChatGPT. Même si, avec Llama 2, Meta ne menace pas encore immédiatement le leader actuel, son choix de l’open source pourrait bien apporter des améliorations plus rapides.

Ce document, rédigé et publié par Belfius Banque, donne la vision de Belfius Banque et ne contient pas de conseil en investissement personnalisé, pas de recommandation d’investissement, ni de recherche indépendante en matière d’investissement. Si vous êtes à la recherche de conseils en investissement personnalisés, vous pouvez vous adresser à votre conseiller financier qui se fera un plaisir d’examiner avec vous les effets éventuels de cette vision sur votre portefeuille d’investissements personnel. Les chiffres mentionnés sont des instantanés et sont susceptibles d’évoluer.

Les entreprises mentionnées sont citées à titre d'exemple et leur mention ne constitue pas une recommandation d'achat.