Nicolas Deltour
Head of Investment Strategy
22 septembre 2023
Nicolas Deltour
Head of Investment Strategy
La Terre est une serre, une serre bleue, gorgée d’eau.
Oui mais voilà, salée, polluée ou à l’état gazeux, cette eau n’est plus d’aucune utilité. Seulement 1% de l’eau présente sur Terre est exploitable. Mais nous l’avons gaspillée. L’or bleu va manquer. Au point d’être devenu une urgence non seulement sanitaire, mais aussi économique et industrielle.
L’été 2023 aura été le plus chaud jamais mesuré sur notre planète, d’après Copernicus, l’observatoire européen. Le même observatoire nous indique qu’en 2022, l’Europe a connu sa pire sécheresse en 500 ans1.
Réchauffement climatique et manque d’eau sont intimement liés; les deux phénomènes contribuent même à s’alimenter l’un l’autre. Car oui, la vapeur d’eau est un gaz à effet de serre. C’en est même un des plus puissants de notre environnement; la vapeur d’eau et les nuages entraîneraient à l’échelle du globe une hausse de l’énergie thermique trois fois supérieure environ à celle induite par les gaz à effet de serre persistants2.
Chacun connait l’ampleur du problème du réchauffement global; le risque de stress hydrique, et surtout ses conséquences sanitaires, économiques, industrielles est tout aussi important, et peut-être même plus immédiat.
Pourtant, dans le même temps, le gaspillage d’eau douce prend de l’ampleur, dans une intensité sans précédent.
La déforestation au Congo impacte le système des précipitations à l’échelle du globe.
Nos choix alimentaires (la production d’1kg d’avocats consomme plus de 280 litres d’eau) ont fait exploser l’intensité hydrique de l’agriculture mondiale. Celle-ci utilise 70% des réserves mondiales d'eau douce.
Nos réseaux de distributions d’eau sont truffés de fuites. Selon les pays, les pertes qui en découlent atteignent 20%, voire 60% de la consommation totale. Un trou de 3 millimètres dans une canalisation peut entraîner le gaspillage de 340 litres d’eau par jour, soit, à peu de choses près, l’équivalent de la consommation d’un foyer3.
"We've broken the water cycle, destroyed ecosystems and contaminated groundwater" (« nous avons brisé le cycle de l’eau ») disait en mars dernier Antonio Guterres, Président des Nations Unies.
Paradoxalement, ce cycle perturbé génère à la fois sécheresse et inondations. En effet, des sols plus secs et/ou urbanisés sont moins riches, moins perméables, et accélèrent le ruissellement. Les nappes phréatiques continuent donc à se vider pendant que certaines régions -dont les nôtres- sont amenées à connaître des épisodes d’inondation de plus en plus fréquents.
Certaines nappes phréatiques sont déjà épuisées. Contrairement à ce que l’on pourrait croire, ces nappes ne sont pas renouvelables, ou du moins pas facilement. Certaines nappes sont tellement pillées qu’il faudrait 2.000 à 10.000 ans de pluie pour qu’elles se renouvellent4.
La plupart des pays densément peuplés connaîtront des épisodes de stress hydrique au cours des 20 prochaines années, comme l’illustre la carte publiée par le World Resource Institute ci-dessous5.
Les problèmes qui en découlent sont bien connus: perte en productivité agricole, désertification et îlots de chaleurs, épisodes de catastrophes météorologique, et, bien sûr, impact sur la production d’énergie (systèmes de refroidissement des centrales nucléaires), sur le transport (niveau du Rhin parfois insuffisant pour la navigation), sur l’industrie en général.
Le plus grave impact actuel étant avant tout sanitaire et humain. Et les plus pessimistes nous promettent déjà des guerres et nouveaux flux migratoires liés aux stress hydriques.
Heureusement, le temps n’est plus à l’inaction chez les décideurs, tant publics que privés.
Les autorités politiques commencent à prendre la mesure du problème, et ont assimilé le lien étroit entre réchauffement global et crise de l’eau. L’Union européenne met en place un plan pour garantir ou améliorer l’accès de 70 millions de personnes à l’eau potable d’ici 2030.
A l’échelle mondiale, La Conférence des Nations Unies sur l’eau 2023, qui s’est tenue du 22 au 24 mars, s’est achevée avec l’adoption du Programme d’action pour l’eau. Ce plan d’action «historique» contient plus de 700 engagements visant à sécuriser l’accès à l’eau.
Le président de l’Assemblée générale des Nations Unies, Csaba Kőrösi, a déclaré que les 300 milliards de dollars d’engagements promis pour soutenir le Programme d’action pour l’eau ont le potentiel de débloquer au moins 1.000 milliards de dollars pour les secteurs socio-économiques et les écosystèmes6.
Bref, les sociétés porteuses de vraies solutions en la matière ont, comme pour la cause climatique, leur avenir devant elles.
Comportement de tous
Le premier et plus puissant type de solution réside dans notre comportement, à tous, citoyens, Etats, entreprises: changer son alimentation en consommant moins de produits gourmands en eau, permettre à la nature de se réapproprier de l’espace (débétonner, végétaliser, préserver), réduire les pesticides pour préserver la qualité des ressources, et enfin, oser prononcer le mot «sobriété».
Solutions portées par les entreprises
Les entreprises ne restent pas inactives face à ce défi, et ont beaucoup innové sur ce sujet ces dernières années
Ces innovations peuvent être classées en trois catégories:
Les taux de croissance attendus, pour chacun de ces domaines d’activités, sont largement supérieurs à ceux du marché. Cela n’a rien d’étonnant au vu des immenses besoins en la matière, et des budgets gouvernementaux évoqués plus haut.
Réchauffement climatique et prochaine crise de l’eau sont intimement liés.
Les deux phénomènes ont une portée sans précédent, tant pour leurs conséquences que pour le potentiel des entreprises qui y apportent des solutions. Deux thèmes majeurs d’investissement, donc, pour qui souhaite associer rendement potentiel et responsabilité sociétale.
1. Source: Copernicus - https://www.copernicus.eu/en/news/news/unleashing-power-copernicus-enhancing-decision-making-european-and-global-drought
2. Source: WMO - https://public.wmo.int/en/resources/bulletin/observing-water-vapour
3. Source: European Environment Agency - https://www.eea.europa.eu/signals-archived/signals-2018-content-list/articles/close-up-2014-water-int
4. UN / UNRIC - https://unric.org/fr/preserver-l-eau-un-defi-urgent-mais-pas-impossible/
5. World Resource Institute - https://www.wri.org/data/aqueduct-projected-water-stress-country-rankings
6. UN / UNRIC - https://unric.org/fr/conference-nations-unies-eau-2023-resultats/
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