20 mars 2024

Nicolas Deltour

Nicolas Deltour
Head of Investment Strategy

Philippe Evrard

Philippe Evrard
Investment Strategy

Suite à sa victoire au « Super Tuesday » du 5 mars dernier, Donald Trump devrait selon toute vraisemblance être désigné candidat républicain aux prochaines élections présidentielles américaines. A ce stade, seule la justice pourrait encore contrecarrer ce scénario. Mais quelles seraient les conséquences économico-financières s'il réintègre la Maison Blanche après les élections du 5 novembre prochain? BCA, fournisseur indépendant de recherches en investissement, s’est penché sur la question.1

Si Trump redevient président, il y a de fortes chances qu’il emporte également le Congrès avec lui, et notons également que la Cour Suprême lui est également favorable avec une majorité conservatrice de 6 membres contre 3 progressistes.


BCA a imaginé dans un premier temps quelques éléments qui ne devraient pas évoluer lors du second mandat potentiel de Trump.


Les 10 points qui ne changeront pas


1. Les USA vont rester dominants même s’ils subissent des revers stratégiques

Le poids économique et politique américain devrait rester important (25% de la production économique globale et 40% des dépenses militaires mondiales), vu notamment la croissance et l’innovation actuelle, et la méforme structurelle chinoise. Néanmoins, les positions belliqueuses de Trump avec certains alliés (OTAN, UE…) pourraient peser sur le long terme.


2. Les rivalités entre grandes puissances - et les dépenses de défense - ne diminueront pas

Par contre, Trump pourrait décider de ne plus supporter l’Ukraine.


3. Les États-Unis ne deviendront pas une dictature, même si Trump détiendra des pouvoirs importants pendant deux ans

Les mid-terms en 2026 et la Constitution américaine interdisant 3 mandats présidentiels immuniseront le pays contre des risques de confiscation du pouvoir.


4. Les déficits budgétaires ne diminueront pas

La pyramide des âges va peser de plus en plus lourd sur le budget ainsi que les charges d’intérêt. De plus, la coupe budgétaire annoncée ne concernera pas les dépenses militaires et ne contrebalancera pas l’allègement fiscal promis.


5. L'impôt sur les sociétés n'augmentera pas

Il pourrait même diminuer, dans la poursuite de la politique menée en 2017.


6. L'immigration n'augmentera pas

Il y a très peu de chances que l'immigration augmente au cours des quatre prochaines années par rapport aux niveaux historiques d'aujourd'hui. La croissance de la population active ralentira.


7. Les droits de douane ne baisseront pas

Le commerce mondial subira un choc à la fois du protectionnisme américain et des représailles mondiales.


8. Les subventions industrielles ne diminueront pas, à l'exception des subventions vertes

Alors que les Républicains pourraient réduire les subventions vertes, la tendance générale de la politique industrielle perdurera puisqu'il s'agit d'un domaine qui fait l'objet d'un accord bipartisan.


9. La bureaucratie fédérale ne sera pas rationalisée

Cette promesse conservatrice résiste peu aux faits: moins de 2% des employés américains travaillent pour le gouvernement fédéral (plus bas historique).


10. La Fed sous pression

Jerome Powell a été nommé par Trump en 2018 et son mandat court jusqu'en février 2026. Cependant, Trump est connu pour être un partisan des taux d'intérêt bas et a régulièrement critiqué les politiques de la Réserve fédérale.


En résumé et selon BCA, alors que les États-Unis resteront démocratiques et géopolitiquement prééminents, un second mandat de l'administration Trump risque d'exacerber les problèmes existants (incapacité à assainir les finances publiques entraînant des déficits publics élevés, augmentation des inégalités de revenus, pénurie croissante de main-d'œuvre, ...). À long terme, ses politiques seront inflationnistes.


Implications macro-économiques


1. Politique budgétaire et fiscale

Le premier « Tax Cut » de 2017 a eu un effet bénéfique sur la croissance, mais via une hausse de la consommation, et non via de nouveaux investissements. Une nouvelle réduction d'impôts pourrait ne pas être aussi bien accueillie par les marchés financiers. Les investisseurs pourraient s'inquiéter davantage du déficit budgétaire croissant et exiger des taux d'intérêt plus élevés sur les obligations d'État américaines.


2. Immigration

Sur le court terme, plusieurs secteurs gros consommateurs de main d’œuvre immigrée non autorisée seraient pénalisés: l’alimentation, la restauration, le logement, la construction… Ainsi, une politique d'immigration stricte pourrait se traduire rapidement par une hausse des salaires et des prix dans plusieurs secteurs et potentiellement pousser l'inflation au-delà de l'objectif de la Fed.

Sur le moyen terme, on note que près de la moitié de l'augmentation de la population active au cours des deux dernières décennies provient de personnes nées à l'étranger, ce qui laisse présager un ralentissement important de la croissance de la population active totale si l'immigration était sévèrement restreinte.


3. Commerce

La guerre commerciale de l'administration américaine avec la Chine et plusieurs alliés des États-Unis a provoqué une explosion de l'incertitude commerciale mondiale et un fort ralentissement de la production industrielle mondiale. S'il est vrai que les Etats-Unis sont une économie relativement fermée et que la mondialisation n'est plus en expansion, le monde est encore très globalisé. Les exportations américaines en pourcentage du PIB sont toujours plus élevées qu'elles ne l'ont été en moyenne depuis la Seconde Guerre mondiale, ce qui montre que les États-Unis ne sont guère à l'abri des faiblesses économiques extérieures.

Une question clé pour les investisseurs est de savoir si l’augmentation promise des droits de douane sera prioritaire au début du second mandat. BCA pense que oui, puisque l'intention est d'obtenir un effet de levier dans les négociations futures. Les conséquences pour l'activité économique et les bénéfices des entreprises seraient graves si elles étaient associées à des restrictions en matière d'immigration.


4. Fed

Des taux d'intérêt élevés vont à l'encontre du programme politique de Trump de deux manières: en augmentant la pression sur la situation budgétaire et en contribuant à la vigueur du dollar américain (ce qui contrerait en partie une accélération des exportations américaines). Trump est fortement incité à nommer un Président de la Fed qui serait prêt à maintenir les taux d'intérêt à un niveau plus bas que prévu. Les investisseurs axés sur la stabilité des prix auraient des raisons de se méfier de toute nomination inhabituelle.


Conclusions pour les investissements


BCA estime que les conséquences d'une deuxième présidence Trump seront essentiellement négatives pour la croissance économique et les rendements des investissements, même en tenant compte d'un taux d'imposition sur les sociétés plus faible. Il est peu probable que des réductions supplémentaires de l'impôt sur les sociétés stimulent la croissance de manière significative, compte tenu de l'expérience en 2017. L'impôt sur les sociétés est déjà faible et des réductions supplémentaires ne stimulent pas beaucoup la productivité. Les restrictions à l'immigration, les droits de douane et toute érosion de l'indépendance de la Fed sont tous des facteurs d'inflation nette à long terme.




1 BCA Research - A Potential Second Trump Presidency: Bullish or Bearish?


Ce document, rédigé et publié par Belfius Banque ne contient pas de conseil en investissement personnalisé, pas de recommandation d’investissement, ni de recherche indépendante en matière d’investissement. Si vous êtes à la recherche de conseils en investissement personnalisés, vous pouvez vous adresser à votre conseiller financier qui se fera un plaisir d’examiner avec vous les effets éventuels de cette vision sur votre portefeuille d’investissements personnel. Les chiffres mentionnés sont des instantanés et sont susceptibles d’évoluer.