8 janvier 2024

Isabelle Verhulst

Isabelle Verhulst
Head of Wealth Analysis & Planning


La loi prévoit expressément que pour pouvoir faire une donation entre vifs, il faut être sain d’esprit. On ne peut se dépouiller de son patrimoine que si l’on dispose des capacités mentales suffisantes pour ce faire.

Par conséquent, lorsque suite à un accident de la vie ou au grand âge, une personne devient juridiquement incapable et elle est mise sous administration, non seulement la gestion quotidienne peut devenir complexe mais c’est en plus toute la planification patrimoniale qui tombe à l’eau:

  • Les éventuelles procurations données par le passé deviendront caduques une fois la personne devenue incapable. Ce sera le cas pour les procurations bancaires et les mandats notariés simples.
  • Certaines opérations (la vente du logement familial, par exemple) seront soumises à l’approbation du juge de paix.
  • Les mesures de transmission à titre gratuit telles que les donations seront quant à elles impossibles. En fonction du régime matrimonial des parents, le parent encore valide ne pourra plus transmettre aux enfants que son éventuel patrimoine propre. Le patrimoine commun des époux, ainsi que le patrimoine propre de l’époux incapable ne pourront plus faire l’objet de donations, par exemple.

Dans le cadre de toute planification, il est donc capital d’anticiper ce risque. Il existe depuis 2014 un outil ad hoc pour ce faire: le mandat extrajudiciaire.


La loi offre à toute personne capable (le « mandant ») la possibilité d’établir un mandat extrajudiciaire par lequel il désigne une autre personne, le « mandataire », qui se chargera de la gestion de son patrimoine en cas d’incapacité. Ce mandat peut être général (pouvoirs très étendus) ou particulier (limité à certains biens et/ou opérations).


La qualification « extrajudiciaire » fait référence au fait qu’un tel mandat ne nécessite nullement l’intervention du juge de paix pour la désignation d’un administrateur ou pour les actes de gestion ultérieurs et offre donc au mandant l’avantage de pouvoir s’organiser comme il l’entend.


Outre la simple gestion des biens de la personne incapable, le mandat extrajudiciaire offre la possibilité au mandataire de réaliser des actes de disposition. On entend par « acte de disposition » l’acte par lequel on transmet un bien à une tierce personne. Ce peut être par exemple la vente ou la donation.


Le mandant pourra par conséquent donner au mandataire le droit de réaliser des donations en son nom, au profit de ses enfants ou petits-enfants. Cependant, s’agissant d’un acte qui implique un dépouillement de la personne incapable, la donation via mandat extrajudiciaire est fortement encadrée afin d’éviter que le mandataire n’abuse de son pouvoir:


  • Le mandat doit avoir été réalisé sous forme authentique, c’est-à-dire via un acte notarié.
  • Concernant les donations, le mandat doit être le plus clair et précis possible. Le notaire instrumentant la donation doit pouvoir déterminer la volonté exacte du mandant. Dans la mesure du possible, le mandat comprendra donc les éléments suivants:
    • L’identité des donataires potentiels (« mes enfants à parts égales », « mes descendants en ligne directe »,etc.),
    • L’objet de la donation (certains biens immobiliers, exclusion du logement familial, certains biens mobiliers, etc.),
    • Les limites de la donation (ne pas mettre en péril la qualité de vie du donateur),
    • Les conditions de la donation (par exemple donation obligatoirement notariée, avancement d’hoirie ou hors part, avec retour conventionnel, interdiction d’apport en communauté, charge d’entretien au profit du donateur, etc.),
    • Les droits qu’ils doivent réserver au mandant/donateur (généralement réserve d’usufruit au profit du donateur).


Cet article contient uniquement des informations générales qui ne tiennent pas compte de votre situation individuelle et ne constitue donc pas un conseil juridique, fiscal ou financier. Les informations sont basées sur la jurisprudence et la loi en vigueur au moment de la rédaction de cet article. Toute nouvelle législation ou évolution jurisprudentielle n’est pas prise en considération dans le cadre de la rédaction de cet article.