Annelore Van Hecke
Senior Macro Economist @Belfius
Véronique Goossens
Chief Economist @Belfius
Afin de limiter la propagation du variant anglais, le comité de concertation a décidé vendredi d’interdire temporairement les voyages non essentiels. Une telle interdiction est le énième coup de massue pour le secteur des agences de voyage et des activités des voyagistes, qui va entraîner de nouvelles annulations et une augmentation de la montagne des bons à valoir. Le premier trimestre de l’année représente normalement 37% des réservations et 12% du nombre de départs, selon Koen van den Bosch de la Vereniging van Vlaamse Reisbureaus (Association des agences de voyage flamandes). Le nombre de réservations ne s’élèverait actuellement qu’à environ 15% de la normale, tandis que les départs effectifs sont retombés à zéro en raison des récentes décisions.
2020 a déjà été une année désastreuse pour le secteur touristique, comme le montre une analyse des données de compte anonymisées de nos clients professionnels. Le graphique ci-dessous, qui compare les chiffres d’affaires de 2020 à ceux de la même période de 2019, montre dans quelle mesure nos clients professionnels Belfius dans ce secteur ont été touchés l’an dernier par le virus et les mesures de confinement.
Après un bon début d’année 2020, les activités des voyagistes ont vu dégringoler leur chiffre d’affaires à la mi-mars à la suite du confinement. Au deuxième trimestre, le chiffre d’affaires était en baisse de 80% par rapport à la même période de l’année précédente. Une très légère reprise a été enregistrée à partir de juin, mais la perte reste énorme. Non seulement la peur du virus mais aussi l’interdiction de voyager vers les zones rouges jusqu’en septembre et le manque de clarté concernant le changement constant des codes couleur des destinations européennes ont amené la plupart des Belges à opter pour des vacances au pays ou "staycation". Les voyages d’affaires ont également tourné au ralenti en raison de l’annulation des événements et de l’utilisation massive des outils de réunion en ligne. À partir du mois de juillet, la perte de chiffre d’affaires des agences de voyage et des activités des voyagistes est restée plus ou moins constante à un niveau plancher de -75% par rapport à l’année précédente.
L’annonce prometteuse de nouveaux vaccins et la concrétisation des schémas de vaccination ont fait augmenter au compte-gouttes les réservations à la fin de l’année. Mais actuellement, de nombreuses personnes reportent le plus longtemps possible la réservation de leurs vacances d’été. Selon TUI, on a enregistré début janvier "environ la moitié du nombre de réservations de l’an dernier". Les règles Covid de quarantaine et les zones rouges et à présent aussi l’interdiction des voyages non essentiels font qu’il est logique que les voyageurs restent provisoirement dans l’expectative.
Une prolongation des mesures de soutien fédérales et régionales est dès lors nécessaire à la survie de nombreuses agences de voyage et activités des voyagistes. Vendredi, il a été annoncé que le gouvernement fédéral allait d’ores et déjà libérer 30 millions d’euros afin d’aider temporairement l’emploi dans le secteur touristique. De plus, le secteur a besoin d’un prêt pour pouvoir rembourser les bons à valoir pour plus de 300 millions d’euros, si les clients le demandent. Bientôt, un an après l’émission de ces bons à valoir, ils ont en effet droit au remboursement. Mais le principal est d’offrir des perspectives pour que le secteur puisse retravailler le plus rapidement possible. Une grande incertitude demeure à propos des assouplissements qui seront autorisés après la vaccination (partielle) de la population. Va-t-on instaurer des tests rapides pour voyager? Aura-t-on besoin d’un passeport vaccinal?
Les agences de voyage caressent entre-temps l’espoir que la demande de voyages sera grande une fois que la pandémie sera sous contrôle. Après que les gens sont restés presque un an à la maison, il est fort possible que l’on assiste à un mouvement de rattrapage dès que l’envie de voyager reviendra. Après la Première Guerre mondiale et la pandémie qui a suivi, la population s’est mise à consommer et à voyager plus frénétiquement qu’avant, ce qui fait espérer un retour de ce que l’on a appelé les "années folles".
Actuellement, le secteur des agences de voyage (vente de voyages) et des activités des voyagistes (organisation et vente de voyages) dans notre pays représente quelque 0,1 pour cent de notre PIB et emploie 8.500 employés et indépendants (chiffres de 2019).