Les risques climatiques menacent aussi la stabilité financière

Annelore Van Hecke
Senior Macro Economist @Belfius


Véronique Goossens
Chief Economist @Belfius

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  • Le régulateur européen ajoute à présent le risque climatique à la liste des facteurs susceptibles de menacer la stabilité du système financier.
  • Une toute première étude de la BCE dresse un bilan de l’exposition des entreprises au risque climatique.
  • Les entreprises les plus impactées sont celles des secteurs des mines, du transport, de l’agriculture, de l’électricité et du gaz.

Outre les récessions et les krachs boursiers, le régulateur européen ajoute désormais le risque climatique à la liste des facteurs susceptibles de menacer la stabilité du système financier. Dans ce contexte, le vice-président de la BCE, Luis de Guindos, a récemment annoncé les résultats de la toute première étude évaluant l’exposition des entreprises au risque climatique. Lorsque les entreprises sont touchées par le changement climatique, cela entraîne également des répercussions négatives sur le secteur bancaire. Les institutions financières subissent en effet des pertes en cas de non-remboursement des prêts accordés aux entreprises touchées ou en raison de la dépréciation des actions et obligations qu’elles détiennent.

L’impact du changement climatique sur l’économie et le secteur bancaire se manifestera lentement et pendant longtemps, principalement par le biais de deux canaux. Premièrement, le changement climatique comporte des risques physiques, tels que les catastrophes naturelles. En Europe, les inondations dans le nord ou les feux de forêt dans le sud peuvent coûter cher aux entreprises européennes. Les dommages matériels causés par ces phénomènes naturels, mais aussi les perturbations au niveau de la production, la majoration des primes d’assurance, etc. peuvent réduire la rentabilité des entreprises et, dans le pire des cas, entraîner leur faillite.

Deuxièmement, le changement climatique crée également un risque lié à la transition lorsque les décideurs politiques mettent en œuvre des mesures climatiques pour réduire l’empreinte carbone des entreprises. La hausse des taxes sur les émissions de CO2 augmente les coûts de production, notamment dans les secteurs à fortes émissions de CO2 tels que les exploitations minières, le secteur du ciment et l’industrie de l’acier. La figure ci-dessous évalue le risque de faillite accru des entreprises dans différents scénarios. Le scénario de base part du principe qu’une politique climatique limitant efficacement le réchauffement de la planète sera déployée à temps. Le graphique montre le risque de faillite supplémentaire au cours des 30 prochaines années si la politique climatique devait traîner et être mise en œuvre tardivement et de manière accélérée (barres jaunes), ou si aucune mesure n’était prise et que l’effet de serre se poursuivait (barres rouges).

L’analyse montre que les avantages d’une transition énergétique rapide sont considérables. Qui plus est, le risque de faillite accru en cas de report de la politique climatique est insignifiant par rapport à l’impact désastreux d’un scénario sans politique climatique. Les entreprises les plus impactées sont celles des secteurs des mines, du transport, de l’agriculture, de l’électricité et du gaz. La situation géographique des entreprises joue aussi un rôle. Les points jaunes et rouges du graphique montrent l’impact climatique pour les entreprises des différents secteurs les plus exposés aux catastrophes naturelles. Pour ces entreprises, le risque de faillite est jusqu’à quatre fois plus élevé.

Figure: différences concernant le risque de faillite des entreprises (%) dans deux scénarios défavorables par rapport au scénario d’une transition climatique déployée à temps, par secteur et groupe d’entreprises


Source: calculs de la BCE Note: les barres représentent les changements médians du risque de faillite au cours des 30 prochaines années; les points indiquent les changements liés au risque de faillite lorsque seules les entreprises les plus exposées au risque physique sont prises en compte (95e percentile basé sur les scores de risque physique des entreprises)


Lors d’une phase ultérieure, la BCE utilisera l’étude d’impact climatique sur les entreprises ci-dessus pour évaluer la vulnérabilité des banques européennes. Une évaluation des risques liés au climat pour les gestionnaires de patrimoine et le secteur des assurances figure toujours aussi à l’ordre du jour. Pour les assureurs, l’impact potentiel est particulièrement important, il suffit de penser à l’augmentation des sinistres dus aux tempêtes, inondations, incendies, etc.

Dès l’année prochaine, les banques européennes seront également soumises à un «test de résistance climatique», par analogie avec les tests de résistance bancaire introduits à la suite de la crise financière visant à tester la résilience des banques en cas de crise. La constitution obligatoire de réserves de capital pourrait être étendue à l’avenir avec des exigences de capital supplémentaires afin de couvrir l’exposition au risque climatique. De cette manière, les institutions financières sont encouragées à concentrer leurs investissements sur des entreprises présentant un risque climatique moins important. Les banques peuvent ainsi amplement contribuer au financement de la transition climatique.


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