26 juillet 2021
Annelore Van Hecke
Senior Macro Economist @Belfius
Véronique Goossens
Chief Economist @Belfius
La Banque centrale européenne ne modifie pas son taux directeur. Mais elle a une nouvelle vision de l’évolution future de ce taux directeur. Le taux restera à son niveau actuel ou même à un niveau inférieur jusqu’à ce que l’inflation s’élève à 2 pour cent, bien avant la fin de la période de projection, qui a cours jusque fin 2023. Auparavant, cela suffisait que l’inflation "converge" vers les 2 pour cent pendant cet horizon.
La nouvelle vision est conforme au changement de sa stratégie, que la BCE a annoncé plus tôt ce mois-ci. Le résultat d’une étude d’un an et demi n’était pas révolutionnaire. Primo, la Banque centrale revoit son objectif d’inflation à la hausse. Elle mise à présent sur une inflation de 2 pour cent, au lieu de l’ancien objectif "proche, mais juste sous les 2 pour cent". Le nouvel "objectif" est symétrique, ce qui signifie que non seulement les écarts vers le haut, mais aussi sous cet objectif ne sont pas désirés. Nous interprétons le changement comme une prolongation de la politique monétaire souple actuelle, parce que la BCE est à présent plus tolérante à l’égard de l’inflation. Le nouvel objectif donne plus de flexibilité pour autoriser une inflation supérieure à 2 pour cent.
Secundo, la BCE demande à Eurostat de revoir à terme le calcul de l’inflation afin de mieux tenir compte du coût du logement. La forte hausse des prix des maisons en tant que telle ne sera pas prise en compte, mais bien le coût de l’utilisation de l’habitation. L’impact sur le critère de mesure de l’inflation sera ainsi faible.
Tertio, la nouvelle stratégie comporte également un plan d’action en faveur du climat. Lors de l’achat d’obligations d’entreprise et l’acceptation de la garantie des banques, la BCE tiendra compte à l’avenir des risques et des critères en lien avec le climat, comme l’empreinte CO2 des entreprises.
Les résultats de la révision de la stratégie sont un peu décevants. La BCE ajuste légèrement son objectif, mais ne dit pas comment elle pense à présent atteindre l’objectif de 2 pour cent après toutes ces années d’inflation trop basse. L’augmentation de l’inflation de ces derniers mois est en effet temporaire et elle retombera, selon les prévisions de la BCE. L’inflation atteindrait respectivement 1,5% et 1,4% en 2022 et 2023.
La présidente Lagarde continue à soutenir qu’une réaction monétaire forte et surtout persistante est nécessaire dans la situation actuelle où le taux se trouve proche de la limite inférieure. Mais tout indique que la politique budgétaire doit reprendre le flambeau pour stimuler l’inflation durablement. La politique monétaire peut cependant faire en sorte que le crédit reste bon marché afin que la flambée de la dette publique reste payable, bien que cela comporte également des risques pour la stabilité financière.
Avec un taux négatif depuis 2014, la politique monétaire se heurte à la limite inférieure depuis déjà sept ans. Depuis lors, de nombreuses alternatives ont été trouvées pour insuffler de l’argent supplémentaire dans l’économie, comme les achats d’actifs ou le financement bon marché pour les banques sous forme de TLTRO. Bien que ces instruments soient utilisés comme mesure d’urgence, ils ne sont plus considérés dans la nouvelle stratégie comme "non conventionnels". Ils pourront être exploités à l’avenir aussi.
Entre-temps, les effets secondaires de la politique monétaire extrêmement souple ne cessent de s’aggraver. La BCE le reconnaît et à l’avenir, elle pèsera à chaque fois le pour et le contre des décisions monétaires. Elle suivra le principe de la "proportionnalité".
La nouvelle stratégie semble donc calquée sur la précédente. Une nouvelle révision interviendra en 2025.