14 Avril 2022
Frank Maet
Senior Macro Economist @Belfius
Véronique Goossens
Chief Economist @Belfius
Il semble impossible d'échapper à l’inflation, même au Royaume-Uni. Le mois dernier, les prix à la consommation britanniques ont grimpé de 7 pour cent, la plus forte augmentation depuis 30 ans. Cela résulte pour une large part des chocs infligés aux marchés de l'énergie depuis le début de la guerre en Ukraine. Avec environ 4 pour cent d’importations de gaz naturel de Russie, le R-U est moins dépendant du gaz russe que le reste de l’Europe. Il en va autrement pour le pétrole et le diesel. Environ 8 pour cent des importations britanniques de pétrole brut et 13 pour cent des importations de diesel proviennent de Russie. Le gouvernement britannique a promis de supprimer progressivement les importations de pétrole russe d’ici la fin de cette année, mais cela n’a pas d'impact sur la cherté des prix.
Les cotations élevées sur les marchés de l’énergie entraînent une pression énorme sur les prix dans les secteurs qui fonctionnent avec des énergies fossiles, comme la logistique, la construction et l'agriculture. Les hausses de prix à la pompe ont eu l’impact le plus important en mars mais la flambée de l’inflation n’est pas uniquement due à l’énergie. La guerre pousse aussi les prix de l’alimentation à la hausse, de même que pour toute une série de produits et services, des vêtements et du mobilier, jusqu’aux loyers sur le marché immobilier.
Mais le pire reste à venir. Au R-U, les prix de l'énergie que les entreprises d'utilité publique peuvent facturer sont adaptés deux fois par an. En avril, le plafond fixé pour les prix de l’énergie a été relevé de pas moins de 54 pour cent, ce qui rajoutera encore 1,6 pour cent à l’inflation des prix à la consommation ce mois-ci. Si les prix de l'énergie ne poursuivent pas leur ascension, on peut espérer une accalmie après le printemps. Mais l'inflation britannique demeurera quand même supérieure à 7 pour cent pendant le reste de cette année.
Ce ne sera pas sans conséquences pour la croissance économique. Selon l’OBR, le chien de garde budgétaire britannique, les ménages britanniques seront confrontés en 2022 à la plus forte baisse de leur pouvoir d'achat depuis le début des années cinquante. La demande sur le marché du travail reste forte et entraîne une augmentation des salaires, mais ce sera largement insuffisant pour compenser la hausse du coût de la vie. De ce fait, les ménages réduiront leurs dépenses et contribueront moins à la croissance économique. Les chefs d’entreprises sont également préoccupés. En mars, la confiance des entreprises de l’industrie manufacturière a fléchi à la suite du déficit persistant du côté de l’offre, de la plus grande prudence des clients et de la pression croissante de l’inflation. À cela s'ajoute le risque d'aggravation des problèmes d'approvisionnement ces prochains mois à cause de la guerre et de la politique stricte de zéro Covid en Chine.
Après un début d'année prometteur, la croissance au R-U s’est quasi arrêtée en février. L’économie britannique ne s’est accrue que de 0,1 pour cent à peine en raison de la diminution de l’activité dans le secteur de la santé, des tempêtes et des problèmes d'approvisionnement. Il faudra y ajouter l’impact de la guerre ces prochains mois. Il n’est dès lors pas exclu que l’économie britannique se contracte pendant le printemps.
La Bank of England admet que les perspectives de croissance se sont détériorées ces derniers mois mais elle ne se laisse provisoirement pas décontenancer. Sa première préoccupation demeure la lutte contre l’inflation. Le rapport sur les prix du mois de mars montre que les hausses de prix se propagent rapidement dans toute l’économie britannique. Avec la pénurie sur le marché du travail et le risque que l'inflation élevée induise de plus grandes exigences salariales, il est probable qu’une hausse de taux sera décidée lors de la prochaine réunion au mois de mai.