13 octobre 2023
Véronique Goossens
Chief Economist @Belfius
Le week-end dernier, nous avons été surpris par un nouveau conflit entre Israël et les Palestiniens. Ce n’est pas une bonne nouvelle pour l’économie mondiale. Nous prévoyons une augmentation des prix pétroliers et une escalade du conflit aux pays producteurs de pétrole, tels que l’Iran, pourrait encore exacerber cette hausse. Les entreprises vont sans doute répercuter cette augmentation des prix de l’énergie, ce qui ne facilite pas la politique des banques centrales visant à dompter l’inflation.
Après une accélération spectaculaire après les premiers confinements dus au Covid-19, avec le volume le plus élevé jamais enregistré en septembre 2022, le commerce mondial enregistre un important ralentissement depuis un an. Dans la zone euro surtout, les exportateurs le ressentent et, en tout cas, dans les grands pays exportateurs comme l’Allemagne, la France et l’Italie, ainsi qu’en Belgique bien sûr. De plus, les usines européennes sont confrontées à une baisse des ventes en magasins dans leur propre territoire. La confiance du consommateur européen reste dès lors déprimée et s’est même encore détériorée en septembre. En effet, l’inflation reste très élevée et le consommateur a vu son pouvoir d'achat s'amenuiser. La Belgique est un cas à part en la matière. Grâce à l’indexation automatique des salaires, la confiance des ménages s'améliore et les magasins enregistrent aussi de meilleures ventes que l’an dernier.
La confiance de l'industrie européenne reste faible et laisse présager une poursuite du ralentissement de la production ces prochains mois. Mais les dernières mesures montrent que le pessimisme n'augmente plus.
Ce, contrairement à la confiance aux USA où les directeurs des usines sont devenus beaucoup plus positifs quant à leur avenir. Ils pensent que le pire est derrière nous. L'économie américaine est donc restée étonnamment résiliente. Le consommateur américain a continué à dépenser dans les magasins, grâce à un marché du travail très solide où les salaires continuent à augmenter. Néanmoins, nous nous attendons à ce que les exportations américaines continuent à tourner à bas régime vu que la demande de la zone euro reste très faible.
La Chine vient de passer un été difficile. Les exportations restent lamentables parce que le commerce mondial est sous pression et que les tensions géopolitiques avec les États-Unis vont continuer à entraver les exportations ces prochaines années.
Quand l’industrie a commencé à être en difficulté en automne 2022, les secteurs des services ont connu un regain d'activité. Après les années Covid difficiles, les consommateurs se sont rués sur le tourisme et les activités extérieures. Mais depuis le printemps, les entreprises de service voient leurs perspectives s'assombrir. Cela s’est produit en même tant dans tous les grands blocs commerciaux, à savoir les USA, la zone euro et la Chine. Dans la zone euro toutefois, nous assistons à nouveau à une amélioration. Le pouvoir d'achat du consommateur européen a perdu beaucoup de plumes, mais la tendance se renverse. Cela s’explique par la solidité des exigences salariales et le recul de l’inflation. Nous nous attendons même à ce qu’à partir de ce trimestre, les Européens voient leur pouvoir d'achat augmenter. Cela va soutenir les secteurs tertiaires et contribuer à la croissance économique de la zone euro l’an prochain. À 0,9 pour cent, cette croissance restera largement inférieure à la tendance normale. Pour cette année, nous prévoyons un faible résultat, avec une croissance du PIB de 0,5 pour cent. La partie la plus difficile de l’année est déjà passée. Nous pensons que l’économie s’est contractée pendant l’été. Mais, ce trimestre-ci, nous renouons avec la croissance, même si elle va rester fragile.
Comme souvent, la Belgique est un cas à part. Avec notre prévision de croissance de 1 pour cent du PIB pour 2023, nous nous portons nettement mieux et allons continuer à progresser en 2024. Dans les périodes difficiles, la Belgique enregistre généralement de meilleures performances que le reste de la zone euro, grâce à l’indexation automatique des salaires et à une sécurité sociale généreuse.
Avec plus de 5 pour cent de croissance de son PIB, la Chine enregistrera de moins bonnes performances que ce que nous pensions au départ. Cela est évidemment dû, en premier lieu, à l’effondrement de la demande mondiale de produits d’exportation chinois, mais aussi au fait que le consommateur chinois ne se sent pas très bien dans sa peau après le Covid. Une crise immobilière persistante ronge sa confiance. La situation semble s’améliorer quelque peu entre-temps et la consommation intérieure devrait se renforcer grâce aux nouvelles mesures des autorités chinoises visant à mettre fin aux turbulences du marché immobilier. Quoi qu'il en soit, nous pensons que la croissance continuera à décliner ces prochaines années.
L'économie américaine nous a ébahis. En dépit de la politique historiquement drastique de la banque centrale américaine, avec des taux élevés afin de freiner l’inflation, l’économie a continué à afficher une croissance solide pendant l’été aux USA. À 3,8 pour cent, le taux de chômage reste très bas et des emplois sont créés au fil des mois, à savoir encore 336.000 en septembre. De même, les exigences salariales restent trop élevées pour faire fléchir rapidement l’inflation, car les entreprises américaines répercutent ces coûts sans problème. Cependant, la croissance salariale continue à fléchir. Entre-temps, elle s'élève à 4,2 pour cent par rapport à l'an dernier. Nous venons de niveaux qui avoisinaient 6 pour cent. Et cela peut en grande partie expliquer pourquoi l'inflation américaine a atteint de tels sommets. Mais la politique de la Federal Reserve commence à présent quand même à porter ses fruits pour l’économie américaine. Nous nous attendons à un ralentissement prononcé durant cette fin d'année, notamment parce que les services publics américains risquent à nouveau de fermer après un dépassement budgétaire des autorités américaines.
Le trajet des banques centrales afin de maîtriser l’inflation est quasi inédit. Dans la zone euro en tout cas, nous n’avions jamais vu de telles hausses de taux en si peu de temps. Cela a entraîné un changement fondamental dans le comportement du consommateur européen. Son appétit pour les achats immobiliers résidentiels s’est tari, entraînant de fortes baisses dans les prix des maisons dans des pays comme l’Allemagne et les Pays-Bas. La Belgique fait à nouveau exception dans ce cadre, bien que le Belge soit manifestement moins à la recherche d’un nouvel achat immobilier résidentiel. Nous ne nous attendons pas à de fortes corrections des prix des maisons, mais bien à une légère baisse autour de 2 pour cent pour cette année et l’an prochain ensemble.
Le comportement de l’épargnant et de l’investisseur a également changé. Les épargnants cherchent un rendement plus élevé dans les produits à revenu fixe, comme les bons d’État ou les comptes à terme. Les investisseurs ont retrouvé le chemin des obligations car, après des années de taux très bas, voire négatifs, elles semblent à nouveau plus intéressantes.
Dans la zone euro, nous nous attendons à ce que la banque centrale européenne soit arrivée à son taux maximum de 4 pour cent pour le taux à court terme. Au début de l’été l'an dernier, il était encore de moins 0,5 pour cent! Contrairement aux marchés, nous pensons que la BCE va encore maintenir ce taux pendant un an. À 4,3 pour cent, l'inflation générale dans la zone euro reste en tout cas trop élevée, l’objectif de la BCE étant de 2 pour cent. À présent, le critère de l’inflation structurelle, qui reflète la pression sur les prix des entreprises pour les produits et services, est beaucoup plus important. L'inflation structurelle a grimpé à 4,6 pour cent en septembre. Il faut surtout remarquer les hausses de prix dans les secteurs des services – par exemple, les billets d'avion sont devenus plus chers – mais aussi les prix des produits que vous achetez dans les magasins restent élevés. L'an prochain, cette pression sur les prix va se réduire, mais nous ne nous attendons à une évolution de l’inflation générale vers les 2 pour cent qu’en 2025.
Aux USA, la banque centrale américaine avait pris beaucoup plus tôt des mesures strictes concernant le taux d'intérêt. C’est pourquoi les marchés pensaient qu’elle allait progressivement mettre fin à cette politique. Les dernières réunions concernant le taux ont toutefois démontré que la Fed n’abandonne pas la lutte. Les taux resteront dès lors élevés plus longtemps. Selon Strategic Research, au moins jusqu’à l’été prochain.
Ce document, rédigé et publié par Belfius Banque, donne la vision de Belfius Banque sur les marchés financiers. Il ne contient pas de conseil en investissement personnalisé, pas de recommandation d’investissement, ni de recherche indépendante en matière d’investissement. Si vous êtes à la recherche de conseils en investissement personnalisés, vous pouvez vous adresser à votre conseiller financier qui se fera un plaisir d’examiner avec vous les effets éventuels de cette vision sur votre portefeuille d’investissements personnel. Les chiffres mentionnés sont des instantanés et sont susceptibles d’évoluer.