Les autorités municipales dépensent 1.959 euros par habitant

20 juin 2024

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Véronique Goossens
Chief Economist @Belfius

Au terme de la mandature des pouvoirs locaux, Belfius Strategic Research dresse un bilan. Nous nous tournons également vers l'avenir, avec trois défis majeurs pour la prochaine mandature communale.

Les pouvoirs locaux wallons ont connu une mandature particulièrement turbulente avec la crise du COVID, une inflation galopante avec des coûts salariaux et de construction en forte hausse, une crise de l'énergie et enfin des taux d'intérêt en hausse. Dans ce contexte difficile, on peut dire que les villes et communes ont fait preuve de résilience grâce à leur capacité à adapter leur organisation et leurs priorités politiques.

Les communes ont connu une progression inhabituellement élevée des dépenses durant la mandature. Elles ont progressé à un rythme de 7,1% en moyenne par an (contre 3,3% seulement lors de la mandature précédente).

Selon les budgets initiaux 2024, les dépenses ordinaires des communes wallonnes s’établissent à 7,2 milliards EUR, soit 1.959 EUR par habitant.

Qu'est-ce qui a augmenté les dépenses?

Les autorités communales ont vu leurs coûts de personnel augmenter considérablement en raison des 10 indexations salariales au cours de la législature précédente. Les dépenses de personnel qui représentent 41% des dépenses ordinaires ont enregistré une progression annuelle moyenne de 6,3%.

L'augmentation de la charge des pensions des fonctionnaires statutaires reste un problème épineux. Celle-ci est supportée par une masse de plus en plus réduite de fonctionnaires actifs, les statutaires (cotisants) étant de plus en plus remplacés par des contractuels. Les communes doivent consacrer des ressources croissantes pour continuer à garantir ces pensions - qu'elles supportent financièrement totalement elles-mêmes dans le cadre d'un système de répartition fermé. C'est un véritable défi, surtout dans les grandes villes. Les charges ont progressé en moyenne de 11,5% par an et représentent désormais 14% des dépenses de personnel totales.

Selon notre enquête, plus de 80% des gestionnaires locaux considèrent que la facture des pensions sera certainement un enjeu important lors de la prochaine mandature.

Les coûts énergétiques (mazout, gaz et électricité) sont restés très stables entre 2019 et 2021 (avec même une baisse de 11% durant la crise sanitaire) mais ont ensuite plus que doublé passant de 78 millions EUR en 2021 à 200 millions EUR en 2023. En 2024, les coûts énergétiques ont baissé de 19% mais ils restent à un niveau très supérieur à la situation prévalant avant la crise énergétique.

Dans ce contexte, les communes ont clairement indiqué dans l'enquête de Belfius qu'elles avaient déjà pris des mesures d'économie d'énergie et qu'elles avaient depuis accéléré leur engagement en la matière.

Les différentes crises (sanitaire, énergétique, inondations…) ont nécessité une intervention accrue des CPAS en faveur de bénéficiaires d’aide sociale. L’ensemble des aides sociales accordées par les CPAS wallons a progressé à un rythme de soutenu de 7,9% en moyenne par an, avec un pic de 17,7% en 2023 à la suite du choc inflationniste et de la crise énergétique. L’attribution du revenu d’intégration absorbe à elle seule deux tiers de l’ensemble de ces dépenses et a progressé à un rythme moyen de 8% par an. Ce sont toutefois les « autres aides sociales », notamment en lien avec l’afflux de réfugiés ukrainiens, qui enregistrent la progression la plus importante sur l’ensemble de la mandature (+17% en moyenne par an).

Les mécanismes d’adaptation des recettes à l’inflation et les aides régionales ont permis une progression des recettes communales adossées à celle des dépenses.

Les recettes fiscales des communes wallonnes s’établissent à 3,2 milliards EUR, soit 881 EUR par habitant, et procurent 45% des recettes ordinaires totales.

Les recettes fiscales ont fortement progressé (13,7%) en 2023 en raison de l’adaptation progressive des bases imposables à l’inflation (indexation des revenus cadastraux et des ménages).

Les taux d’imposition moyens (IPP et précompte immobilier) observés au niveau de l’ensemble de la Wallonie sont restés assez stables durant la dernière mandature. Mis à part un ajustement à la hausse en 2020 (seconde année de la mandature), très peu de communes ont procédé à des modifications de leur taux d’imposition les années suivantes. Le taux d’imposition communal moyen de la taxe additionnelle à l’IPP s’établit à 7,89% en 2024, tandis que le nombre de centimes additionnels au précompte immobilier s’élève en moyenne à 2.584 centimes.

La fiscalité spécifiquement locale représente près de 20% des recettes fiscales totales, soit 154,6 EUR par habitant. La taxation sur les déchets ménagers (encadrée par l’application du principe «coût-vérité») constitue le premier domaine de taxation locale (83,7 EUR par habitant) et représente à elle seule 54% du produit de l’ensemble des taxes locales selon les budgets 2024.

Sur l’ensemble de la mandature, les taxes locales ont enregistré une progression moyenne de 3,3% par an. Ce sont les taxes sur le patrimoine (+8,0%) et sur l’occupation du domaine public (+5,4%) qui ont connu les progressions les plus soutenues.

Les recettes communales provenant des dotations et des subsides, c’est-à-dire de transferts financiers émanant d’autres niveaux de pouvoir (principalement la Région), s’élèvent à 2,8 milliards EUR et représentent 39% des recettes ordinaires totales.

Près de 60% de ces recettes dites de transfert sont issues du Fonds des communes dont les moyens sont indexés chaque année en fonction de l’indice moyen des prix à la consommation et bénéficient, en plus de l’indexation, d’une majoration d’1% en termes réels. Sur l’ensemble de la mandature, le taux de croissance annuel moyen de l’enveloppe dédiée au Fonds des communes s’élève à 4,7%.

Selon les budgets initiaux 2024, les communes wallonnes dégagent ensemble un léger boni de 29,5 millions EUR à l’exercice propre et de 341 millions EUR à l’exercice global (c.-à-d. en tenant compte des réserves des exercices antérieurs). Cette situation d’équilibre apparent n’a toutefois pu s’opérer que grâce à l’apport croissant de reprise de provisions pour risques et charges qui ont pris une importance croissante au cours de la mandature (de +10 millions EUR en 2019 à près de 500 millions EUR en 2024).

Cette évolution est principalement imputable aux aides régionales accordées dans le cadre du plan dit « Oxygène » qui permet aux communes confrontées à d’importantes charges de pensions ou de dépenses de transfert (CPAS, zones de police et de secours) de bénéficier de prêts (avec l’intervention du CRAC) au cours de la période 2022-2026 avec prise en charge régionale temporaire des intérêts, voire d’une partie du capital, pour certaines communes.

En dépit d’un contexte difficile, les communes ont préservé leur capacité d’investissement. Au cours de la présente mandature communale, les projets d’investissements ont enregistré une hausse continue pour atteindre en 2024 un doublement par rapport à 2019 (de 1,6 à 3,2 milliards EUR). Toutefois, cette progression spectaculaire doit être relativisée par deux éléments.

Premièrement, le taux effectif de réalisation (par rapport aux prévisions budgétaires) reste relativement faible (inférieur à 50% en moyenne). Deuxièmement, les communes ont été confrontées à une hausse très importante des coûts de construction et des matériaux. Il en résulte qu’un même montant nominal de budget d’investissement en 2024 ne permet pas de financer un même volume de projets que celui initialement prévu en 2019.

Les enjeux pour la prochaine mandature 2025-2030

Selon les gestionnaires communaux interrogés, le top trois des défis financiers sont l’évolution des charges de pension, suivie de coûts de sécurité (police, pompiers) et de la transition énergétique.

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La problématique des charges de pensions est clairement perçue comme l’enjeu financier numéro un de la prochaine mandature («certainement» pour 82%). Les projections du Service fédéral des Pensions sont effectivement particulièrement inquiétantes. La seule cotisation de responsabilisation (qui s’ajoute aux cotisations de base, elles-mêmes déjà majorées) à charge de l’ensemble des communes, provinces et CPAS wallons aurait progressé de 143 millions EUR en 2019 à 327 millions en 2024 (soit près de 130%). Compte tenu des hausses encore attendues du taux de responsabilisation, elle devrait encore progresser davantage au cours de ces prochaines années pour s’établir à 569 millions EUR en 2028.

Les coûts en matière de sécurité (principalement par le biais des dotations communales aux zones de police et de secours) constituent un préoccupation déjà ancienne mais toujours d’actualité pour les gestionnaires communaux (« certainement » pour 49% et « plutôt oui » pour 45%). Ces matières relèvent du pouvoir fédéral mais c’est le financement communal qui constitue cependant la variable d’ajustement pour assurer leur équilibre budgétaire. Depuis constitution de ces zones, les pouvoirs locaux réclament un rééquilibrage du financement fédéral ainsi qu’une évolution en fonction de l’évolution réelle des coûts supportés.

L’évolution vers une transition énergétique est également perçue comme un enjeu majeur de la prochaine mandature communale (« certainement » pour 42% et « plutôt oui » pour 50%). De nombreux défis environnementaux attendent effectivement les communes: accélérer la transition énergétique, favoriser la mobilité douce, tout en renforçant la résilience du territoire par rapports aux impacts de plus en plus fréquents du dérèglement climatique (inondations, tempêtes…). La majorité des communes se sont déjà engagées dans l’élaboration d’un plan climat au niveau local (PAECD). Leur mise en œuvre implique toutefois la capacité de mobiliser au niveau local des ressources financières et humaines très importantes.

  • Quels leviers d’action et mesures de soutien attendues?
    Pour maintenir l’équilibre budgétaire au cours des prochaines années, les gestionnaires locaux privilégient clairement, selon notre enquête, les mesures en faveur d’une maîtrise des dépenses (personnel pour 40%, investissements pour 27%, les dépenses de fonctionnement pour 16%) plutôt qu’une hausse des taux d’imposition ou de nouveaux impôts locaux (11% des répondants).


LIEN vers le COMMUNIQUÉ DE PRESSE

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