Sérieuse baisse du taux à long terme

12 août 2024

Annelore Van Hecke
Senior Macro Economist @Belfius


Véronique Goossens
Chief Economist @Belfius

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Au cours du mois écoulé et, surtout de la semaine dernière, les taux à long terme ont plongé à toute allure. Aux États-Unis, le taux à 5 ans a perdu quelque 70 points de base par rapport à début juillet et, dans la zone euro, 50 points de base. 

Que se passe-t-il? Les marchés financiers s’attendent à ce que les banques centrales, tant américaine qu’européenne, décident plus rapidement de réduire le taux à court terme. De même, les attentes du marché concernant l’inflation à moyen terme ont été fortement revues à la baisse, ce qui a un impact négatif sur la compensation de taux pour les obligations à long terme.

Aux États-Unis, la situation sur le marché du travail a récemment suscité l'inquiétude. Différents indicateurs montrent que le marché du travail américain devient moins tendu. Le célèbre rapport sur l’emploi est paru vendredi dernier et il en ressort que le nombre de créations d’emplois en juillet était inférieur aux attentes et beaucoup plus bas qu’en juin. De plus, le taux de chômage a augmenté de 0,2 point de pourcentage à 4,3% en juillet. De ce fait, le taux de chômage dépasse déjà les 4% annoncés par les gouverneurs de la banque centrale américaine pour décembre. Lors de la réunion stratégique monétaire en juillet, le président Powell a fait part de son inquiétude concernant le refroidissement du marché du travail. En effet, contrairement à la BCE, la Federal Reserve doit remplir un double mandat. Non seulement, elle doit ramener l’inflation à 2% mais elle doit également viser le plein emploi dans l'économie américaine.

À cela s’ajoute que nous assistons à un net mouvement baissier de la pression sur les prix aux USA. En juin, l'inflation a continué à descendre jusqu’à 3%, contre 3,25% en mai. L'inflation structurelle (sans les éléments volatils comme l’énergie et l’alimentation) continue à baisser. Et, vu le recul de la croissance salariale, l'inflation des services diminue également.

Ces deux facteurs, un fléchissement manifeste de l’inflation et l’inquiétude concernant le marché du travail, ont incité les investisseurs sur les marchés financiers à corriger fortement leurs attentes en matière de taux. Au début de cette semaine, ils tablaient sur 5 baisses de taux de 25 points de base d’ici la fin de l’année. Entre-temps, leurs attentes ont à nouveau été corrigées légèrement à la hausse, soit 4 baisses de taux.

Belfius Strategic Research estime que ce mouvement baissier est exagéré. L'économie américaine est encore très performante, la preuve en est le chiffre de croissance solide pour le deuxième trimestre. Le refroidissement du marché du travail ne laisse pas non plus directement présager une récession imminente. Le chiffre reflète la forte augmentation de la population active plutôt qu’un recul de l’emploi. Pour l’économie américaine, nous nous attendons à une croissance solide, quoique plus lente, aux troisième et quatrième trimestres. Au total, l’économie américaine pourrait s’accroître de 2,6% cette année. En ce qui concerne le taux à court terme, nous tablons sur une première baisse de taux de 25 points de base en septembre, qui pourrait être suivie de deux baisses de taux d’ici la fin de l’année.

La situation économique semble moins favorable dans la zone euro. Le chiffre de la croissance pour le deuxième trimestre, à savoir 0,3% en glissement trimestriel, indique une poursuite du redressement économique que nous avions constaté au début de cette année. Mais les écarts sont importants entre les États membres. Alors que l’économie allemande redescendait de -0,1% au deuxième trimestre, nous constations une croissance solide de pas moins de 0,8% en Espagne. De plus, les indicateurs de confiance montrent un affaiblissement de l’activité dans la zone euro en juillet. En Allemagne surtout, l'industrie est encore confrontée à des difficultés et nous constatons une rechute après un léger rétablissement au cours des premiers mois de l’année. Le risque s'accroît que le pays retombe dans une récession ce trimestre-ci.

En outre, l’inflation européenne n’est pas encore sous contrôle. Alors que nous constatons une tendance baissière manifeste de la pression sur les prix aux USA, ce n’est pas encore le cas dans la zone euro. Depuis le mois de mars, les chiffres mensuels de l’inflation se maintiennent plus ou moins au même niveau. L'inflation a légèrement augmenté à 2,6% en juillet, tandis que l’inflation structurelle restait inchangée à 2,9%. Et, depuis novembre, l’inflation des services continue à tourner aux alentours de 4%.

Sur les marchés financiers, le pessimisme concernant la situation économique prend cependant le dessus et on s'attend à présent à 3 baisses de taux avant la fin de l’année. Belfius Research table sur seulement deux baisses de taux supplémentaires cette année en vue de soutenir l’économie. Selon nos prévisions, l'inflation européenne fléchirait légèrement en août, ce qui permettrait à la banque centrale européenne de diminuer le taux directeur de 25 points de base en septembre. La deuxième baisse de taux sera sans doute pour décembre.

La banque centrale chinoise a également réduit le taux directeur le mois dernier afin de donner un coup de pouce à l’économie. La croissance économique s'affaiblit nettement en Chine, avec une baisse de la croissance au deuxième trimestre et des indicateurs de confiance qui reflètent une poursuite du ralentissement de l’activité en juillet. L'industrie surtout souffre de la faiblesse de la demande intérieure et la consommation des ménages ne se porte pas bien non plus.

Un point positif pour l’économie chinoise est que la demande extérieure et les exportations augmentent. En effet, en raison d'une forte baisse des prix à l’exportation, la Chine devient plus compétitive. Mais cette baisse des prix à l’exportation indique également un problème de surproduction. Les autorités veulent en outre continuer à soutenir l’économie avec des investissements, ce qui pourrait encore aggraver le problème de la surcapacité. Selon nous, elles feraient mieux de miser sur la stimulation de la consommation des ménages et de la demande intérieure.

La récente baisse de taux en Chine ne fera peut-être pas beaucoup avancer les choses. Le taux hypothécaire est déjà très bas et une nouvelle diminution ne résoudra pas le problème de la faiblesse de la demande en matière de crédits. D’ailleurs, la Chine n'a pas beaucoup de marge pour d'autres baisses de taux ces prochains mois si elle veut garder le cours de sa monnaie sous contrôle. Le Renminbi s’est affaibli par rapport au dollar au premier semestre.

Source générale: Belfius Research

Ce document, rédigé et publié par Belfius Banque, donne la vision de Belfius Banque sur les marchés financiers. Il ne contient pas de conseil en investissement personnalisé, pas de recommandation d’investissement, ni de recherche indépendante en matière d’investissement. Si vous êtes à la recherche de conseils en investissement personnalisés, vous pouvez vous adresser à votre conseiller financier qui se fera un plaisir d’examiner avec vous les effets éventuels de cette vision sur votre portefeuille d’investissements personnel. Les chiffres mentionnés sont des instantanés et sont susceptibles d’évoluer.

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