11 avril 2025

Frank Maet
Senior Macro Economist @Belfius

  • Le président Trump annonce une augmentation massive des droits de douane américains, ce qui accroît le risque d’une guerre commerciale mondiale.
  • Nous nous attendons à un ralentissement de la croissance économique aux États-Unis, ainsi qu’à une forte hausse de l’inflation.
  • Des tarifs douaniers de 20% seront appliqués aux produits européens, mais l’UE est déterminée à négocier.
  • Chez nous, les droits de douane américains imposés sur les produits en provenance d’Europe entraînent un ralentissement de la croissance, mais n’ont qu’un impact limité sur l’inflation.
  • La Chine est engagée dans une guerre tarifaire de plus en plus profonde avec les États-Unis.

Selon ses propres dires, Donald Trump adore les droits de douane, et cela est apparu très clairement au début de ce mois. Le 2 avril, ou « Liberation Day » (Jour de la Libération), comme il l’a lui-même baptisé, le Président américain a annoncé une forte augmentation des droits de douane sur les matériaux et produits importés aux États-Unis. Un tarif universel de 10% sera appliqué, mais de nombreux pays se verront imposer des taux bien plus élevés. Les pays asiatiques, la Chine en tête, se voient infliger les droits de douane les plus élevés. Les produits en provenance de l’UE sont, quant à eux, taxés à 20%. Des pays comme le Royaume-Uni et l’Australie n’y n’échappent pas non plus, mais s’en sortent relativement bien, avec seulement 10%. Pour établir sa liste, le Président américain se base, en substance, sur la balance commerciale. Si un pays exporte plus vers les États-Unis qu’il n’importe, il est sanctionné par des droits de douane. Dommage pour la Belgique que nous fassions partie de l’UE. En effet, en 2024, les États-Unis ne présentaient qu’un léger déficit commercial avec notre pays, mais un déficit conséquent avec l’UE en tant que partenaire commercial. Cependant, les importants tarifs douaniers imposés à l’UE s’appliquent également aux exportations belges vers les États-Unis.

La liste des droits de douane du Président américain a provoqué une onde de choc dans le monde et sur les marchés financiers. La crainte d’une guerre commerciale mondiale, avec des répercussions économiques négatives partout dans le monde, est palpable. Certains affirment que Donald Trump a mis fin à un système de commerce international qui a été un gage de prospérité économique pour la majorité des pays depuis la seconde moitié du siècle dernier. Avec les fortes augmentations tarifaires, les droits d’importation moyens appliqués par les États-Unis sont aujourd’hui supérieurs à 20%, soit leur plus haut niveau depuis 1909.

Le Jour de la Libération de Trump a été mal accueilli sur l’ensemble des marchés financiers, mais plus particulièrement aux États-Unis, où les pertes de cours sur les marchés obligataires et boursiers s’accumulent. Le regain de confiance des entreprises et des consommateurs américains observé après l’élection de Donald Trump s’est totalement effacé.Nous nous attendons donc à un ralentissement significatif des dépenses des ménages dans les mois à venir. L’augmentation des droits de douane a également porté un coup aux plans d’investissement de nombreuses entreprises américaines.Ces dernières semaines, les prix de matières premières telles que l’aluminium, l’acier et le cuivre ont déjà augmenté bien plus fortement aux États-Unis que sur les marchés internationaux. Les tarifs douaniers élevés vont encore accroître la hausse des coûts. La confiance des entrepreneurs aurait pu se rétablir si les nouveaux droits de douane avaient été fixés de manière logique et prudente, mais leur augmentation massive a détérioré le climat d’investissement aux États-Unis.

Nous nous attendons par conséquent à une faible croissance économique au premier semestre 2025, même si l’économie américaine devrait échapper à une récession. Avec l’augmentation des pertes à Wall Street et les craintes d’une récession, les critiques commencent à s’abattre sur le Président Trump. Nous pensons qu’il utilisera au moins une partie des recettes provenant des droits de douane dans le courant de l’année pour contribuer au financement d’un allègement fiscal. Cela pourrait atténuer le choc pour les ménages et les entreprises, et soutenir la confiance. Néanmoins, pour 2025, nous avons abaissé nos prévisions de croissance pour l’économie américaine de 2,5% à 1,7%.

Si les droits de douane exercent donc un impact significatif sur les taux de croissance, ils ont des répercussions encore plus importantes sur l’inflation aux États-Unis, mais dans le sens inverse. L’inflation des prix à la consommation devrait, selon nous, atteindre au moins 4% d’ici la fin de 2025 (contre 2,8% en février), car les tarifs douaniers entraînent une forte augmentation de l’inflation des biens importés. La hausse de l’inflation des prix des biens risque par ailleurs de se propager au secteur des services. Les prix de certains services sont en effet automatiquement liés à ceux des biens; par exemple, une hausse du prix des voitures plus chères entraîne une augmentation des primes d’assurance (auto).

La perspective d’une hausse de l’inflation, conjuguée à un ralentissement de la croissance économique, met la Réserve fédérale dans une position délicate. Traditionnellement, la banque centrale constitue la première ligne de défense en cas de crise. Les marchés financiers anticipent cela et prévoient une série d’abaissements des taux d’intérêt pour cette année, ce qui, selon nous, est exagéré. Nous nous attendons encore à une baisse des taux de 0,25% en mai, mais à une pause plus longue par la suite. L’un des objectifs fondamentaux de la Fed est de maîtriser l’inflation et les prévisions d’inflation. En mars, les prévisions d’inflation des prix à la consommation ont déjà atteint leur plus haut niveau depuis des années, et les droits de douane ne font qu’accentuer cette pression. La banque centrale a déjà fait part de ses inquiétudes quant à l’impact des tarifs douaniers sur l’inflation, et n’abaissera donc pas son taux directeur de manière agressive.

Zone euro: une forte préférence pour les négociations.

En Europe, les droits de douane de 20% imposés par le Président américain sur les produits européens ont été un choc. En mars, des droits de douane de 25% avaient déjà été instaurés sur les voitures et les pièces détachées. Les produits pharmaceutiques en provenance de l’UE, qui représentent un quart des exportations vers les États-Unis, restent pour l’instant exemptés des droits de douane américains, mais cela pourrait changer. La riposte de l’UE est assez prudente: une liste de produits américains qui seront frappés d’une taxe d’importation de 25% est prête, mais ceux-ci représentent un montant relativement faible (moins de 25 milliards d’euros). En outre, le whisky et le vin, par exemple, ont été retirés de la liste initiale afin d’éviter que Donald Trump ne riposte avec des droits de douane encore plus élevés sur le vin européen. Cela montre que l’UE ne souhaite pas une escalade du conflit commercial avec les États-Unis. Ursula Von der Leyen, la présidente de la Commission européenne, a clairement indiqué que l’UE souhaite mener des négociations avec les États-Unis à propos des relations commerciales.

Ces négociations arrivent probablement trop tard pour empêcher une sérieuse baisse des exportations européennes vers les États-Unis cette année. En outre, la politique tarifaire des Américains se traduit par un ralentissement de la croissance mondiale, ce qui va également peser sur les exportations de l’UE vers le reste du monde. Nous estimons que la hausse des droits de douane américains aura, en 2025, un impact négatif d’environ 0,3% sur la croissance économique dans la zone euro et en Belgique.

Si les contre-mesures européennes restent limitées, nous estimons peu probable le risque que la guerre tarifaire conduise à une poussée de l’inflation dans la zone euro. En mars, l’inflation globale des prix à la consommation est tombée à 2,2%, les pressions sur les prix dans le secteur des services s’étant atténuées pour la première fois depuis longtemps. Les produits américains deviendront plus chers dans les mois à venir, mais ils ne représentent qu’une petite partie du panier global. À terme, la guerre commerciale pourrait même conduire à une baisse des prix des marchandises, si les exportateurs asiatiques se mettent en quête d’autres marchés pour leurs produits qu’ils ne peuvent plus écouler aux États-Unis. Par conséquent, nous ne voyons pas la Banque centrale européenne (BCE) dévier de sa trajectoire monétaire. Il est plus que probable que la BCE abaissera ses taux d’intérêt de 0,25% à 2,25% lors de sa réunion du 17 avril.

Chine: le pays est engagé dans une guerre commerciale de plus en plus profonde avec les États-Unis.

Alors que la plupart des pays souhaitent s’asseoir dès que possible avec Donald Trump à la table des négociations, le gouvernement chinois semble déterminé à s’engager dans une guerre commerciale avec les États-Unis. La Chine a annoncé une mesure de représailles, à savoir des droits de douane de 34% sur les produits américains, ce à quoi Donald Trump a riposté par une surtaxe de 50%, en plus des 34% qu’il avait déjà annoncés le 2 avril. En moins de trois mois, le Président Trump a augmenté les taxes sur les produits chinois de 104%! Pour l’instant, aucune des deux parties ne semble disposée à céder quoi que ce soit.

Les exportations de la Chine vers les États-Unis représentent moins de 2% du PIB (produit intérieur brut) du pays, mais les énormes droits de douane vont tout de même nuire à l’économie chinoise. Ils sapent le rétablissement de la confiance des entrepreneurs chinois et vont peser sur la production et la demande de travail. Le gouvernement chinois va devoir apporter des aides fiscales encore plus importantes pour éviter le ralentissement brutal de la croissance que la guerre commerciale avec les États-Unis risque de provoquer.

Postface: et cela continue... Après avoir écrit cet article, on a appris que le président Trump accordait un sursis tarifaire de 90 jours aux pays qui commercent avec les États-Unis et qui souhaitent négocier. Durant cette période, le tarif d’importation universel de 10% s’applique. Mais la guerre commerciale avec la Chine s’intensifie encore avec une hausse des droits de douane américains sur les importations de produits chinois, de 104% à 125%.

Sources:

  • Généralités: Belfius Strategic Research
  • Reuters.com

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