Frank Maet
Senior Macro Economist @Belfius
Véronique Goossens
Chief Economist @Belfius
Le Fonds monétaire international jugera dorénavant les pays sur leurs efforts en faveur du climat. Il s’agit d’un changement de politique de taille. L’Organisation des N.-U. veille à la stabilité financière dans le monde entier et aide les pays à surmonter les crises financières. Le réchauffement climatique est donc considéré comme un risque pour l’économie et la durabilité financière dans le monde. La Belgique aussi sera jugée sur son action en faveur du climat et recevra des conseils. Elle devra en tout cas mettre les bouchées doubles depuis que l’U.E. a revu à la hausse ses ambitions climatiques fin de l’an dernier. Pas mal d’encre a déjà coulé sur le coût de la transition vers une économie bas carbone. À l’automne, la Commission européenne a présenté un résumé des principales études d’incidence chiffrant les coûts (ou bénéfices) économiques pour réduire de 55 pour cent les émissions de gaz à effet de serre d’ici 2030. Il faut savoir que ces études ne tiennent pas compte des coûts externes occasionnés par le réchauffement climatique si nous laissons les choses suivre leur cours. Pensons au nombre croissant d’inondations, vagues de chaleur avec feux de forêts, etc. Seuls ont été pris en considération les coûts visant à adapter suffisamment l’économie en vue d’atteindre les objectifs d’émissions.
En moyenne, l’impact de la politique climatique et énergétique sur la croissance du PIB sera relativement modéré, selon les prévisions. Il peut varier de légèrement positif (hausse supplémentaire du PIB de 0,5 pour cent dans l’U.E.) à légèrement négatif (-0,4 pour cent), en fonction du modèle et du type de mesures politiques mises en place. C’est surtout l’augmentation des investissements, tant publics que privés, qui contribuent au redressement de l’activité économique. Les bénéfices économiques croissent à mesure que les autorités s’investissent davantage en faveur d’un déplacement de l’impôt sur le travail vers un impôt sur la pollution. En outre, la politique climatique aura un effet plus positif sur la croissance si l’économie tourne à un niveau inférieur à la normale et a un excédent de capacité. C’est certainement le cas durant cette récession liée au Covid-19. Nous prévoyons que la production économique en Belgique et dans la zone euro atteindra le niveau d’avant la crise du Covid-19 dans le meilleur cas fin 2022.
La transition vers une économie plus durable engendrera son lot de gagnants et de perdants. Les secteurs et les pays qui importent leurs combustibles (comme la Belgique) peuvent mieux s’en sortir économiquement, étant donné que l’efficacité énergétique s’améliore et que l’importation d’énergie durable diminue. D’autre part, des emplois disparaîtront dans l’industrie qui raffine le pétrole pour en faire des combustibles utilisables. Mais le secteur de la construction a beaucoup à gagner de la durabilité de l’économie.
La Belgique figure en tête de liste des pays qui peuvent tirer le plus profit de la transition vers une économie bas carbone. Comme notre pays dépend fortement de l’étranger pour ses besoins énergétiques, elle peut à terme tirer un bénéfice économique substantiel de l’augmentation de l’efficacité énergétique. C’est surtout le cas pour la grande quantité d’immeubles belges énergivores. De même, la situation centrale et l’ouverture de l’économie belge jouent en notre faveur. De plus, les engagements et la croissance des investissements verts dans les autres pays de la zone euro, surtout en Allemagne, sont un levier supplémentaire pour l’activité économique dans notre pays.
En bref, le passage à un économie bas carbone ne doit pas être synonyme de baisse de la croissance économique, contre laquelle certains sceptiques mettent en garde. Si les décideurs politiques prennent à temps les mesures adéquates, une économie plus durable peut s’accompagner d’une augmentation supplémentaire de l’emploi et de la prospérité.
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