15 septembre 2021
Frank Maet
Senior Macro Economist @Belfius
Véronique Goossens
Chief Economist @Belfius
Selon la Banque nationale, la nouvelle politique budgétaire de l’UE va changer la donne. Outre le budget pluriannuel (2021-2027) de 1.100 milliards d’euros, un fonds de relance temporaire de 750 milliards d’euros – baptisé « Next Generation EU » – a été mis sur pied. Ce plan de relance doit remettre la croissance économique sur les rails dans les États membres de l’UE après la pandémie de Covid-19, et rendre l’Europe plus verte, plus numérique et plus résiliente.
C’est la première fois que l’UE prévoit un montant de financement d’une telle ampleur. Le budget de l’UE et le fonds de relance représentent ensemble plus de 3 pour cent du Revenu National Brut de l’UE. Cela peut sembler peu, mais c'est trois fois plus que les budgets européens précédents (voir graphique). Il ne faut pas en sous-estimer la symbolique. Cette ambition vise à rendre à nouveau moins probable un éclatement de l’UE.
De plus, le fonds de relance Next Generation est financé intégralement par des emprunts de l’UE sur le marché des capitaux, plutôt que par des versements directs opérés par les États membres. Cette toute nouvelle approche en termes de financement est nécessaire car les montants en jeu sont beaucoup plus importants que par le passé. Naturellement, l’Europe va devoir trouver des investisseurs disposés à investir dans cet instrument européen. Mais cela ne semble pas poser de problème. En 2020, l’Europe a déjà réuni quelque 100 milliards d'euros pour le fonds SURE, destiné à financer l'aide au chômage temporaire et à sauver les emplois menacés par le Covid-19. Une opération de marché qui a été couronnée de succès.
Comment est-ce que ça fonctionne ? À l’instar des États membres, la Commission européenne va émettre des obligations souveraines, des titres de créance donc. Pour environ 150 à 200 milliards d’euros chaque année, entre 2021 et 2026. Les obligations ont une échéance de 3 à 30 ans. Dès à présent, un programme de bons du Trésor à court terme est également lancé.
Autre nouveauté : la vente d’obligations vertes par l’UE elle-même. Il s'agit d'obligations qui ne peuvent être utilisées que pour financer des projets ayant un impact positif sur l'environnement ou le climat. La transition vers une économie à faible émission de carbone est une priorité de l’agenda politique à Bruxelles. Ainsi, l'UE exige que les plans de relance nationaux des États membres investissent au moins 37 pour cent des fonds dans la lutte contre le réchauffement climatique. C'est pourquoi l'Europe souhaite lever une partie du fonds de relance via des « green bonds ». Bien sûr, les obligations vertes ne sont pas une nouveauté : la Banque européenne d'investissement a été la première à émettre une obligation verte en 2007. Un marché qui s’est considérablement développé depuis 2015. Les investisseurs recherchent également de plus en plus des investissements durables, ce qui contribue à accroître leur popularité.
Source : BNB
Selon Johannes Hahn, commissaire européen au Budget, dans les prochaines années, l’UE deviendra le principal émetteur d'obligations vertes au monde. C’est en octobre prochain que la commission lancera sa première émission verte. Récemment, la Commission européenne a également précisé à quoi cet argent peut être utilisé. Par exemple, les obligations vertes de l’UE ne pourront pas servir à financer la construction de centrales nucléaires.
Notre Banque nationale estime que l’ampleur des budgets de relance européens peut doper la croissance économique à raison de 1,5 pour cent d’ici 2024 au sein de l’UE. Outre l’impact direct sur l'économie nationale, ce chiffre tient compte également des effets transfrontaliers des dépenses dans le cadre du commerce extérieur. Les économies ouvertes telles que la Belgique et l'Irlande en profiteraient même davantage encore. Ainsi, grâce à ses exportations, la Belgique bénéficie non seulement des retombées directes de la progression de la demande en Allemagne, par exemple, mais aussi de l'augmentation de l'activité économique des autres partenaires commerciaux de l'Allemagne.
Ce coup de pouce supplémentaire pour l’économie belge est d’autant plus utile que la BNB prévient : notre pays pourrait recevoir moins d'argent du fonds de relance européen qu’initialement prévu. Et ce, parce qu’en 2021, l’économie belge se redresse plus rapidement que la moyenne de l’UE. La répartition des aides financières dépend notamment des perspectives économiques, et celles-ci se sont améliorées chez nous, contrairement à celles des grands pays tels que la France, l'Allemagne, l'Italie et l'Espagne. Si les prévisions de cet été s'avèrent exactes en juin 2022, la Belgique risque de perdre 0,75 milliard d’euros sur un total de subventions de 5,9 milliards d’euros. Pour paraphraser la légende du football Johan Cruyff : « Chaque avantage a son inconvénient ».