30 août 2021
Frank Maet
Senior Macro Economist @Belfius
Véronique Goossens
Chief Economist @Belfius
Jay Powell a prononcé un discours sans équivoque à la veille du week-end. La Banque centrale américaine s’apprête enfin à mettre un terme à sa politique monétaire anti-crise. Depuis des semaines, les spéculations allaient bon train sur les marchés financiers concernant le contenu de l’allocution du président de la Fed lors de la réunion annuelle de la Banque centrale à Jackson Hole dans l'État du Wyoming. Lors de ce symposium, qui s’est tenu une nouvelle fois virtuellement en raison du Covid-19, la crème des banquiers centraux a débattu de l’état de l’économie mondiale et de la politique monétaire.
Le président de la Réserve fédérale a mis l’accent sur la vigueur impressionnante de la reprise économique cette année aux États-Unis. L’économie américaine est en passe de voler à nouveau de ses propres ailes sans l’intervention de la Fed. Cette intervention consiste en des achats mensuels d’obligations d'État et d’autres actifs pour une valeur de 120 milliards de dollars. Les achats d’actifs étaient nécessaires pour insuffler l’énergie nécessaire à l’économie à la suite de la pandémie de Covid-19 et soutenir ainsi l’économie. La Banque centrale américaine avait promis de maintenir son soutien tant qu’‘aucun « progrès substantiel » ne serait enregistré en matière d’inflation et d’emploi.
Il se peut que la Fed commence déjà cette année à réduire ses programmes de rachat, un processus également appelé « tapering ». En raison de la poussée inflationniste observée depuis le printemps, la condition selon laquelle l’inflation des prix à la consommation doit atteindre au moins 2 pour cent, est assurément remplie. En quatre mois, la croissance des prix à la consommation aux États-Unis s’est accélérée, passant de 1,7% à un pic de 5,3%. La hausse des prix est nettement supérieure à l’évolution de l’inflation anticipée par la Banque centrale en début d’année. De plus en plus de responsables de la Fed craignent une flambée de l’inflation et préfèrent dès lors entamer le processus de « tapering » trop tôt que trop tard.
Mais pour ce faire, la deuxième condition doit également être remplie, à savoir le rétablissement suffisant du marché du travail. Selon Powell, des progrès évidents sont également visibles sur ce front. La hausse de la demande de travailleurs a entraîné une baisse du taux de chômage à 5,4% en juillet. Mais la reprise n’est pas encore totale : le marché du travail compte toujours près de 6 millions d’Américains en moins qu’avant la pandémie de Covid-19. C’est pourquoi le président de la Banque centrale à Washington ne veut pas se précipiter. Il a reconnu que les chiffres de l’inflation avaient grimpé rapidement mais a répété qu’il s’agissait d’une hausse temporaire. Par ailleurs, le Covid-19 est toujours source d’incertitudes. Aux États-Unis, le virus continue de gagner du terrain à cause du variant Delta, ce qui jette une ombre sur la reprise. Selon Powell, un durcissement précoce de la politique monétaire pourrait tuer dans l'œuf la relance de l’économie américaine. L’économiste en chef du FMI, Gita Gopinath, présente au symposium à Jackson Hole, a également mis en garde contre un « tapering » trop agressif qui entraînerait une hausse sensible des taux à long terme (connu sous le nom de ‘taper tantrum’). Cette situation serait surtout préjudiciable pour les pays émergents pour lesquels il serait alors plus compliqué d’attirer des capitaux étrangers.
Le président de la Fed, Jay Powell, a confirmé que la Banque centrale envisage de commencer à réduire les achats d’actifs cette année mais n’a proposé aucun timing concret. Les marchés financiers attendent avec impatience les prochaines réunions de la Fed en septembre et novembre. Si les chiffres de l’inflation et de l’emploi restent aussi vigoureux, la Fed pourra mettre fin progressivement à sa politique anti-crise.