17 janvier 2022
Frank Maet
Senior Macro Economist @Belfius
Véronique Goossens
Chief Economist @Belfius
«Y a-t-il bel et bien de l’argent à gagner dans une économie circulaire?» et «Comment s’y prendre ?». Dans une précédente analyse, nous avons mis en évidence le potentiel de l'économie circulaire. De nombreux entrepreneurs sont convaincus de la nécessité de durabiliser l’économie mais se posent à juste titre des questions sur la façon d’y arriver en pratique. Nous passons en revue cinq types de modèles de revenus circulaires et donnons des exemples d’entreprises qui se mettent à travailler de la sorte.
1 prolongez la durée de vie des produits.
Prolongez le plus possible la durée de vie utile des produits et de leurs composants par la conception circulaire, la réparation, l’entretien et les mises à niveau. Le succès des Repair Cafés prouve que de plus en plus de consommateurs désapprouvent la culture du «tout à jeter» de l’économie linéaire. Depuis les années 1920, époque où de gros fabricants d’ampoules comme General Electric et Philips ont collaboré pour limiter sciemment la durée de vie de leurs ampoules, le modèle d’entreprise de l’obsolescence programmée semblait enraciné dans l’économie. Cela implique que les produits sont délibérément conçus pour avoir une durée de vie limitée. L’objectif est un vieillissement rapide, pour que le consommateur achète plutôt un nouveau produit, soit parce que le sien est démodé, soit parce qu’il ne fonctionne plus. L’obsolescence programmée explique aussi pourquoi notre smartphone se met brusquement à fonctionner au ralenti pour une raison mystérieuse. Fairphone démontre qu’il est possible qu’il en soit autrement. En 2016, le producteur néerlandais de smartphones durables a mis sur le marché le premier téléphone modulaire. Il est construit pour durer longtemps et a été spécialement conçu pour être facilement réparable. Des pièces de rechange sont proposées dans une boutique en ligne, accompagnées d’instructions pour remplacer les pièces défectueuses.
2 de la possession à l’utilisation
La popularité croissante des plateformes de partage démontre que l’économie évolue et que l’on passe de la possession des choses à l’utilisation des choses. Ce même principe circulaire est également au cœur du modèle de revenus du produit en tant que service. Les consommateurs ne sont plus propriétaires du produit, mais ils paient une indemnité périodique pour son utilisation. Il peut s’agir d’un abonnement, d’une formule de location ou encore d’une formule de leasing. Prenez le modèle Pay-per-lux de Philips. Les clients n’achètent pas de lampes, mais paient pour la quantité de lumière consommée. Le fabricant des lampes reste propriétaire de celles-ci jusqu’à la fin du contrat et a donc intérêt à ce que le produit dure longtemps. Philips a conçu à cet effet des lampes spéciales qui sont plus faciles à réparer. Le modèle du produit en tant que service ouvre des perspectives aux entrepreneurs qui veulent construire une relation de longue durée avec le client en lui proposant une large gamme de services. Bundles est un bon exemple en la matière. L’entreprise néerlandaise vend des lessives au lieu de vendre des machines à lessiver. Bundles a en outre développé une série d’outils qui informent le consommateur sur sa consommation d’eau et d’énergie. Grâce à la «was-app» ou app lessive, les clients reçoivent même des conseils pour lessiver et enlever les taches de façon encore plus économique.
3 ayez le plus possible recours à des matériaux circulaires.
Il est important de tenir compte des principes circulaires dès le début du processus de production. En pratique, cela veut dire produire avec de l’énergie renouvelable ou des matières premières recyclables. Dans la construction surtout, il existe un énorme potentiel de durabilisation. Beaucoup d’habitations dans notre pays sont vétustes et ont une mauvaise performance énergétique. Avec des initiatives telles qu’Inschuifhuis, il est possible de remplacer, en quatre semaines à peine, des maisons de rangée vétustes par une habitation (presque) neutre sur le plan énergétique. L’ossature bois de la nouvelle maison est entièrement préfabriquée et littéralement insérée à l’endroit où le vieux logement a été démoli. Les matériaux issus de la démolition sont le récupérés et réutilisés au maximum.
4 récupérez les matières premières.
La récupération des matières premières et de l’énergie des produits mis au rebut est aussi au cœur d’un deuxième type de modèles d’entreprises circulaires. L’accent est ici mis sur la récupération de la valeur après utilisation par le recyclage, le réemploi et la rénovation du produit. Ces modèles vont transformer des biens usagés en nouveaux produits ou en matières premières utilisables. De cette manière, ils créent de la valeur ajoutée et une réduction des coûts et des déchets. Dans ce type de modèle de revenus, de nouvelles chaînes logistiques voient souvent le jour pour récupérer les biens usagés : c’est ce qu’on appelle la logistique de recyclage.
Citons comme exemple l’app mobile Vinted (réutilisation par la vente d’occasion) et le fabricant de meubles Nearly New Offices (NNOF). L’entreprise fabrique du mobilier de bureau durable à partir de meubles usagés qui seraient autrement mis au rebut. D’anciens blocs de tiroirs sont transformés en casiers ou des dessus de table sont sciés pour devenir des bancs. Réutiliser du matériau de cette façon représente une économie de coûts tant pour le propriétaire des meubles usagés que pour NNOF qui obtient les matières premières gratuitement. De plus, le modèle contribue à la réduction de l’empreinte écologique des entreprises qui achètent du mobilier de NNOF.
5 sharing is caring (plateformes de partage)
Dans une économie circulaire, les produits doivent non seulement durer plus longtemps, mais ils doivent aussi de préférence faire l’objet d’un usage plus intensif. Par le biais de plateformes de partage et d’économie collaborative, les gens peuvent se prêter ou partager des objets qu’ils sous-utilisent. L’OVAM, le service public flamand chargé de la gestion des déchets , a calculé qu’une économie circulaire où chacun adhère à un système de voitures partagées (en moyenne une voiture partagée pour 10 personnes) réduit l’impact des matériaux de plus de 25% et fait baisser les émissions de gaz à effet de serre de plus de 15%. Ce gain sur le plan des matériaux et des émissions est dû au fait que moins de voitures doivent être construites pour répondre à un même besoin de transport. Le potentiel des plateformes de partage est particulièrement grand pour les produits qui sont relativement coûteux à l’achat et qui sont moins fréquemment utilisés, comme les voitures, les outils de jardinage et les articles de bricolage. Mais le concept remporte aussi un franc succès dans l’industrie de la mode. Il existe ainsi plusieurs entreprises de location d’articles de mode où les consommateurs peuvent, moyennant le paiement d’un abonnement, louer de coûteux vêtements de stylistes au lieu de les acheter. Vous pouvez même obtenir un jeans en leasing auprès de la société néerlandaise MUD Jeans.
La solution miracle pour transformer l’économie linéaire en une économie circulaire n’existe pas. Mais le travail de pionnier réalisé par les entreprises qui travaillent durablement depuis tout un temps déjà montre que cette transition se traduit par des opportunités pour les entrepreneurs, les travailleurs et les investisseurs. Améliorer le monde et faire en même temps du profit: dans une économie circulaire, il est possible de faire les deux.