16 septembre 2022
Frank Maet
Senior Macro Economist @Belfius
Véronique Goossens
Chief Economist @Belfius
Les Britanniques pleurent la disparition de leur Reine, et pour quelque temps, leur quotidien est mis entre parenthèse. Ainsi, la réunion de la Bank of England de cette semaine a été postposée au 22 septembre. Mais après le couronnement du Roi Charles III, le Royaume-Uni reviendra bien vite à la réalité. L'économie britannique se trouve dans une situation extrêmement délicate, en raison de la hausse fulgurante des prix de l'énergie, qui poussent à la fois l'inflation vers un niveau record et l'économie vers la récession.
En juillet, l'inflation a franchi la barre des 10 pour cent, son plus haut niveau en 40 ans. La baisse des prix de l'essence a permis un timide refroidissement en août, mais la pression sous-jacente sur les prix reste extrêmement forte. Ainsi le mois dernier, dans le secteur des services, l’inflation a bondi à 5,90 pour cent, l'inflation sous-jacente restant établie à 6,30 pour cent.
Heureusement, en matière de prix de l'énergie, les Britanniques bénéficieront bientôt d’un certain répit. La nouvelle première ministre Liz Truss a annoncé un ensemble de mesures de soutien pour alléger la facture énergétique des ménages et des entreprises. À partir d’octobre, et jusqu’en 2024, les ménages paieront maximum 2.500 livres par an en frais d'énergie. C’est toujours beaucoup plus qu’en 2021, mais sans le plafonnement des prix, la facture s’envolerait encore bien davantage l’hiver prochain et l’année suivante. Les entreprises obtiendront elles aussi (pour une période de six mois) des compensations pour l’augmentation des coûts énergétiques.
Ces interventions permettront de faire reculer les chiffres de l’inflation dans les prochains mois. Dans un premier temps, en octobre, le plafonnement des prix fera encore augmenter l’inflation générale de 0,70 pour cent, mais par la suite, le gel des prix entraînera une baisse rapide de l'inflation liée à l'énergie. Avant l'annonce de la première ministre Liz Truss, la Bank of England prévoyait encore un pic d'inflation à plus de 13 pour cent pour cet automne.
La banque centrale a également averti que l'économie britannique entrerait en récession fin de cette année, et que cette récession durerait jusque début 2024. C'est bien pire que les perspectives économiques pour la zone euro et les États-Unis. Pour beaucoup de ménages britanniques, la hausse pharaonique des prix du gaz et de l'électricité est un véritable boulet, qui fait plonger les dépenses de consommation. Ceci est apparu clairement cet été: au mois d’août, la confiance des consommateurs est tombée à son plus bas niveau historique (voir graphique) et les détaillants britanniques ont enregistré la plus faible croissance de leur chiffre d’affaires depuis la fin des confinements dus au Covid-19.
Le plan de soutien du nouveau gouvernement atténue le choc pour l'économie et réduit le risque d'une récession de longue durée. Mais le prix à payer pourrait être élevé. Sur la base des actuels contrats à terme de gaz, le plafonnement des prix proposé par Liz Truss coûtera quelque 150 milliards de livres, soit près de 7 pour cent du PIB. La perspective d’une forte augmentation des dépenses publiques fait s’envoler les taux à long terme. Depuis début août, le taux nominal d’un emprunt d’État britannique à 10 ans a bondi de 1,80 pour cent à plus de 3 pour cent.
L’intervention du gouvernement sur les marchés de l'énergie présente donc à la fois des avantages et des inconvénients. À court terme, c’est un beau cadeau pour la Bank of England: cela permet d'éviter la montée en flèche de l'inflation – tant redoutée – durant l'hiver prochain, et rend moins probable le scénario d'une longue et profonde récession. Mais la banque centrale admet volontiers que l’augmentation des dépenses publiques pourrait entraîner une nouvelle hausse des pressions inflationnistes sous‑jacentes à moyen terme. De plus, la Bank of England reste préoccupée par l'ancrage de prévisions inflationnistes plus élevées au Royaume-Uni. Pour les cinq prochaines années, les marchés financiers prévoient une inflation moyenne de 3,80 pour cent, soit près du double de l'objectif de la Bank of England.
À Londres, les responsables de la politique monétaire ne vont pas modifier immédiatement leurs décisions monétaires en réaction au plafonnement des prix de l'énergie. Nous tablons sur une hausse de taux de 0,50 pour cent lors de la réunion de la semaine prochaine, et sur une augmentation similaire en novembre. Les Britanniques ont une nouvelle première ministre et auront bientôt un nouveau monarque, mais la recette de la banque centrale pour contenir l'inflation à un faible niveau reste toujours la même: un relèvement agressif du taux directeur.
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