7 fevrier 2022
Annelore Van Hecke
Senior Macro Economist @Belfius
Véronique Goossens
Chief Economist @Belfius
Nous pensons que les marchés financiers réagissent de manière excessive à la décision prise jeudi par la Banque centrale européenne en matière de taux. Ils s’attendent à pas moins de trois hausses de taux cette année. Notre prévision est que le premier relèvement de taux devrait intervenir fin de cette année.
Pour l’instant, la présidente de la banque centrale, Christine Lagarde, ne parle pas encore d'un éventuel relèvement de taux car elle part du principe que l'inflation refluera sous l’objectif des 2% l'an prochain. Nous nous attendons à ce que la BCE relève à nouveau ses prévisions d'inflation en mars, ouvrant ainsi la voie à une première hausse des taux. Une telle hausse des taux n'interviendra qu’une fois que la banque aura abandonné ses programmes de rachat. Pour le moment, elle prévoit de les réduire progressivement jusqu’à 20 milliards d’euros en octobre.
Jeudi , le taux des obligations d'État européennes à dix ans a augmenté suite à la décision en matière de taux. Pour l'Allemagne et la Belgique, la hausse est restée limitée à respectivement 11 et 14 points de base. Le taux italien a été relevé de 22 points de base. Nous nous attendons à ce que les écarts de taux entre les États membres européens se creusent encore cette année, en raison de l’abandon des achats nets dans le cadre du programme d'achats d'urgence face à la pandémie (PEPP), qui a principalement porté sur des achats de titres d'États membres fortement endettés. À moyen terme, nous prévoyons une hausse progressive du taux à dix ans sur les dettes belges. Le taux à long terme augmente moins vite que le taux à court terme, étant donné que la banque centrale ne réduira pas son bilan pour le moment. Les réinvestissements de titres qui arrivent à échéance pèseront encore un certain temps sur le taux à 10 ans.
Dans la zone euro, les chiffres de l'inflation ont frôlé des records en décembre et en janvier, avec des taux de loin supérieurs aux attentes. L’inquiétude augmente de voir persister une inflation élevée dans la zone euro. Dès lors, il est étrange que la BCE continue de temporiser alors que d'autres banques centrales sont entrées en action pour juguler l'inflation élevée. La banque centrale américaine a annoncé un premier relèvement de taux pour le mois de mars, et la banque centrale britannique a encore relevé son taux jeudi. La zone euro reste à la traîne par rapport aux États-Unis en termes de reprise économique, de redressement du marché de l’emploi et de niveau d'inflation. La hausse des prix aux États-Unis dépasse 7%, et la forte croissance salariale laisse présager une spirale ascendante des prix et des salaires. Par contre, les augmentations de salaires en Europe restent modérées, du moins pour l’instant. Les chiffres de l’inflation au Royaume-Uni sont similaires à ceux de la zone euro. Mais là aussi, Christine Lagarde a pointé du doigt une surchauffe du marché de l’emploi britannique que l'on n’observe pas en Europe, ce qui explique qu’un relèvement des taux au Royaume-Uni est plus logique. Jeudi, pour la seconde fois, la banque centrale britannique a décidé de relever son taux directeur, à 0,5%.
La politique monétaire flexible de la BCE est de plus en plus critiquée. L'autorité monétaire semble sous-estimer le risque d'inflation. Ces derniers temps, ses prévisions d'inflation ont à chaque fois été dépassées par la réalité. La perspective de voir l'inflation repasser tout juste sous le seuil de l'objectif de 2% l'an prochain est de moins en mois crédible. Si le calcul de l'inflation en Europe inclut aussi le coût du logement, comme c'est le cas aux États-Unis, l'objectif d'inflation pourrait certainement être dépassé et la condition pour relever les taux serait remplie.