19 janvier 2023
Frank Maet
Senior Macro Economist @Belfius
Véronique Goossens
Chief Economist @Belfius
À quel point la reprise chinoise sera-t-elle solide?
L’économie chinoise se prépare-t-elle à une reprise en 2023? Plus tôt ce mois-ci, le gouvernement du président Xi Jinping a supprimé les dernières restrictions liées à la politique zéro covid. La tolérance zéro qui a régulièrement conduit à des confinements l’année dernière gardait l’économie chinoise dans un étau, parce qu’elle mettait un frein à la production et aux dépenses des ménages. En 2022, le PIB chinois a progressé d’à peine 3%, un pourcentage largement en dessous des 5% auxquels les responsables politiques aspiraient.
La fin des mesures strictes anticovid, combinée à un nombre relativement faible de vaccinations, provoque un rebond du nombre d'infections. D’après une étude de l’Université de Pékin, le 11 janvier, quelque 900 millions de personnes en Chine avaient été contaminées par le coronavirus, soit 64% de la population. Les experts s’attendent à présent à ce que le pic de la vague d’infections soit atteint plus tôt qu’on ne le pensait. Ce ne sera pas le dernier rebond du Covid en Chine. Mais avec une immunité naturelle beaucoup plus grande, les futures vagues seront probablement moins intenses. De plus, rien ne laisse présager que les autorités imposeraient à nouveau des restrictions en réaction à ces rebonds. Le rôle joué par la pandémie en tant qu’important obstacle à la croissance économique semble donc prendre fin plus tôt qu'il ne paraissait vraisemblable il y a quelques semaines.
À court terme, le virus pèsera encore sur l’économie chinoise. Les nombreux déplacements à l’occasion du Nouvel An chinois sont susceptibles de faire croître le nombre de malades, avec des conséquences négatives pour l’activité dans les usines et les ventes dans les magasins. Si le nombre de contaminations diminue ensuite, la tendance peut rapidement s’inverser. Le manque de main-d’œuvre diminuera et les consommateurs recommenceront à sortir et à consommer. Avec la fin de la politique zéro covid, c’est la principale source d’incertitude qui disparaît pour les entrepreneurs et les travailleurs. Cela améliore les perspectives en matière de croissance du crédit, de dépenses et d’investissements des entreprises.
Dans d’autres domaines que la pandémie, l’équipe gouvernementale de Xi semble aussi mener une politique plus souple que ces dernières années. Des jeux vidéo étrangers peuvent ainsi à nouveau être vendus et d’autres restrictions ont été levées pour l’industrie du gaming. Voilà qui est positif pour les entreprises technologiques chinoises, qui gagnent beaucoup d’argent avec le gaming. Pékin est également moins sévère vis-à-vis des promoteurs immobiliers. Alors que, l’année dernière, l’État a eu la main lourde et que l’accent était mis sur la suppression progressive de l’endettement, des prêts sont aujourd’hui accordés aux promoteurs. Cela doit atténuer la pénurie de liquidités de longue date des entreprises de construction et le ralentissement de nombreux projets de construction. Il y aura cette année-ci davantage de soutien fiscal, en sus de l’argent qui a été injecté dans l’économie en 2022 pour stimuler la demande. Maintenant que les perspectives économiques s’éclaircissent, cet argent sera davantage mis en œuvre. Nous nous attendons donc à ce que l’économie chinoise affiche une croissance plus forte à partir du printemps et revoyons à la hausse notre pronostic de croissance du PIB en 2023, qui passe de 4,5 à 5,2%.
Malgré les motifs d’optimisme, l’économie devra aussi affronter un vent contraire cette année-ci. La demande dans le reste du monde tiédit ainsi rapidement, et l’on craint une légère récession en Europe et aux USA dans les prochains mois. De ce fait, une relance des exportations chinoises semble improbable pour cet été. De plus, la crise dans le marché immobilier n’est pas finie. En 2022, les investissements immobiliers ont baissé de 10% et on a construit près de 40% de maisons en moins que l’année précédente. Même si le pire de la crise du logement est derrière nous, il faudra encore un certain temps avant que la construction ne contribue à nouveau à la croissance. Si l'on prend comme fil conducteur les précédentes récessions sur le marché du logement, la construction de biens immobiliers peut encore continuer à reculer pendant six à neuf mois.
Outre les défis auxquels le gouvernement est confronté à court terme en matière de croissance, on a également appris cette semaine-ci que la population chinoise était en baisse pour la première fois depuis 1961. D’après les démographes, c’est le début d’une longue période de baisse des chiffres de population, avec des implications négatives pour l’économie. En raison de sa population vieillissante et de la baisse du nombre de personnes professionnellement actives, la Chine ne peut plus compter, comme au cours des décennies précédentes, sur l’accroissement de sa population comme moteur de l’économie. À l’avenir, la croissance économique devra venir d’une croissance plus élevée de la productivité, par exemple sous l’effet d’une automatisation plus poussée et du développement technologique.
Nous n’en sommes pas encore là. Il faut d’abord mettre sur pied le redressement de 2023. Une forte relance en Chine pourrait provoquer davantage d’inflation à l’échelle mondiale. La consommation d’énergie a baissé en Chine en 2022, parce que les confinements ont perturbé les voyages et ont miné la demande. La réouverture de l’économie entraînera cette année-ci un accroissement de la demande d’énergie en Chine. Cet élément peut à son tour exercer une pression à la hausse sur les prix énergétiques mondiaux.
Chez nous, nous devons aussi tenir compte de l’effet que le redressement de la Chine peut avoir sur les prix du gaz naturel. Une météo hivernale clémente a provoqué ce dernier mois un effondrement des prix de gros du gaz en Europe, mais les envois de gaz naturel liquéfié étaient aussi plus faciles à assurer en raison de la faible demande chinoise. Une reprise économique plus rapide que prévu en Chine signifie que les importations chinoises de gaz naturel liquéfié repartiront à la hausse cette année-ci, de sorte que l’Europe sera contrainte de concurrencer la Chine pour les livraisons de gaz, avec potentiellement comme conséquence des prix plus élevés.
Si la Chine se redresse petit à petit économiquement cette année-ci, c’est en soi un bonne nouvelle pour le reste du monde. Une hausse de la production des usines chinoises réduit le risque de goulots d’étranglement dans les chaînes d’approvisionnement et de pénuries de produits. Mais il vaut mieux que la reprise ne soit pas trop forte, sinon les prix de l’énergie vont à nouveau flamber juste au moment où la pression inflationniste générale semble décroître en Europe et aux USA.
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