Stagnation de l'économie européenne

11 octobre 2024

Véronique Goossens
Chief Economist @Belfius

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L'économie européenne stagne en septembre. Les indices de confiance dans l’industrie replongent dans le rouge. Nous remarquons surtout le déclin de l’Allemagne, qui s’enfonce de plus en plus dans une récession et est confrontée à un recul de l’industrie depuis un an et demi. En France, la confiance retombe en raison des mesures de resserrement fiscal prévues par le gouvernement minoritaire actuel. Remarquable, l’Espagne constitue l’unique exception.

L’Allemagne, l’homme malade de l’Europe?

L'économie allemande est confrontée à des problèmes structurels depuis un certain temps, ce qui assombrit ses perspectives. L’Allemagne est connue pour son industrie automobile, qui est mise à mal par les constructeurs automobiles chinois et une baisse de la demande mondiale. L'industrie grosse consommatrice d'énergie, dont le secteur chimique, a souffert davantage de la crise énergétique que les autres industries. L'accélération actuelle de la transition énergétique, due à la disparition du gaz russe bon marché, génère une grande incertitude et des coûts élevés. Le marché du travail allemand se contracte parce que le nombre de personnes qui partent à la retraite est plus élevé que le nombre de jeunes qui arrivent sur le marché du travail. De ce fait, certaines industries ne peuvent pas tourner à plein régime. Il est plutôt surprenant que l’Allemagne, avec son industrie technologique avancée, reste à la traîne dans le domaine de la numérisation et de l’automatisation. C’est principalement le cas des petites entreprises.

Ce portrait ressemble à celui de la Belgique

C’est un fait. Tous les constats décrits ci-dessus concernant l’Allemagne s'appliquent également à l’économie belge. Notre industrie automobile, où ce sont principalement les fournisseurs qui réalisent la valeur ajoutée, est menacée par les mêmes phénomènes que son pendant allemand. L'industrie qui consomme beaucoup d’énergie ploie sous la hausse des prix du gaz, qui sont actuellement 3 à 5 fois plus élevés qu’aux USA. De plus, l'industrie doit faire face à une transition climatique qui est beaucoup plus coûteuse que dans les autres parties du monde. Dans notre pays, le marché du travail reste extrêmement tendu et entrave la croissance de certaines entreprises. Enfin, la numérisation intensive reste surtout l’apanage des plus grandes entreprises et il en va de même pour le développement de l’intelligence artificielle. Actuellement, seulement 11% des entreprises européennes recourent à l’IA.

L’UE ressemble à l’Allemagne et à la Belgique

Le récent rapport de Mario Draghi, l’ancien président de la Banque centrale européenne, présente une analyse approfondie des lacunes européennes1. Voilà deux décennies que notre économie se développe beaucoup plus lentement que l’économie américaine. Ces 20 dernières années, l’écart est passé de 17% de croissance inférieure à 30% aujourd’hui.

En effet, les Américains ont été beaucoup plus productifs durant cette période. Cela signifie qu’ils utilisent beaucoup plus efficacement leurs investissements de capital et leurs travailleurs, de telle sorte qu’ils produisent plus que les entreprises européennes. Nous ne pouvons plus nous considérer comme riches, déclare Draghi. Auparavant, nous pouvions compter sur la croissance parce que notre population active augmentait constamment. Cette époque est révolue. L’Europe s’est entre-temps ouverte dans une très large mesure à l’économie mondiale, beaucoup plus que les USA. Dans notre croissance économique, la part de nos exportations est passée de 30% en 2000 à 43% en 2019. Et c’est précisément le contexte géopolitique actuel, avec un écartement entre l’est et l'ouest, qui nous rend vulnérables. Dans les grands chantiers économiques, nous sommes dominés par la Chine et les USA. Les Chinois ont considérablement augmenté leur part de marché dans la technologie verte, un domaine où nous étions plus forts au départ. Les USA sont à nouveau à la pointe dans la révolution de l’IA et de la numérisation. Il est difficile de mettre fin à cette hégémonie. Pourtant, il faut que nous développions nos propres capacités et innovations dans ce domaine. En effet, ces développements sont une condition sine qua non pour accroître notre productivité.

Mais, nous n'avons pas la même échelle que les USA et la Chine. Pour le moment, l’UE s'apparente encore trop à une mosaïque de règles et de normes et le capital permettant de financer tous les nouveaux développements et risques est trop morcelé. L’UE doit dès lors agir en profondeur, mais de manière moins complexe et plus harmonieuse. La mission est colossale. Principalement parce qu’elle nécessite beaucoup plus d'argent. Prenons l’exemple de l’«Inflation Reduction Act» des USA. En gros, celui-ci prévoit un financement public pour stimuler la technologie verte qui est deux fois plus élevé que le Green Deal actuel de l’Europe. Vu la lourdeur du processus politique au sein de l’UE, des solutions effectives ne sont pas pour demain.

Et, entre-temps, le monde continue à tourner.

Alors que l’Allemagne a longtemps joué le rôle de leader, l’Espagne fait office d’exception depuis quelque temps. Après la pandémie, les touristes sont revenus en masse. Le marché du travail a également été réformé, ce qui a favorisé l’emploi. Cela redonne confiance au consommateur espagnol, qui achète alors davantage. De plus, grâce à ses investissements dans l'énergie renouvelable, l’Espagne dépend moins de l’importation de carburants fossiles que les autres pays européens.

En Belgique également, nous enregistrons une croissance plus élevée que la moyenne de la zone euro. Mais la croissance s’érode. Le consommateur devient un peu plus méfiant vis-à-vis de ses perspectives en matière d’emploi, vu les mauvaises nouvelles à propos de restructurations et de fermetures d'usines. Après l’automne faible que nous connaissons actuellement, nous restons fondamentalement positifs pour les perspectives de croissance en 2025. Mais pour la Belgique également, des mesures européennes plus approfondies sont susceptibles d’améliorer le rythme de la croissance économique. Selon nos perspectives, l'économie belge va enregistrer une croissance moyenne plus lente qu’avant la pandémie. Tout est lié à la lenteur de l'accroissement de notre productivité.

1 Source: EU competitiveness: Looking ahead - European Commission (europa.eu)

 

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