Frank Maet
Senior Macro Economist @Belfius
Véronique Goossens
Chief Economist @Belfius
Le Covid-19 continue à engendrer de fortes fluctuations des prix dans la zone euro. En août, l’inflation structurelle a baissé à 0,6% après une poussée à 1,1% plus tôt cet été.
L’inflation générale, qui tient également compte des prix de l’énergie et de l’alimentation, plonge même sous zéro en août sous l’effet du recul des prix de l’énergie. Dans notre pays, le prix du gaz naturel et du mazout de chauffage a ainsi diminué de près de 15%, ce qui maintient l’inflation à un niveau très bas pour les consommateurs.
La Banque centrale européenne essaie d’orienter cette inflation générale vers les 2%, car les directeurs des banques centrales sont convaincus que cela correspond à une croissance économique saine. Mais l’institution se penche également sur l’inflation structurelle, qui s’est tout à coup réveillée en juillet. Cette évolution et la politique de soutien sans précédent des gouvernements et des banquiers centraux ont relancé le débat sur l’inflation. D’aucuns craignent que l’énorme quantité d’argent injectée dans l’économie entraîne un dérapage des prix à terme. Le cauchemar est la stagflation des années ’70, où l’Europe a été confrontée à une inflation de plus de 10% et à un chômage colossal.
Les marchés pensent en tout cas que le risque de déflation (baisse des prix) est largement supérieur. Une spirale de baisse continue des prix est mauvaise pour la croissance économique, reflète un affaiblissement de la demande et est néfaste pour les bénéfices des entreprises. Les prévisions selon lesquelles les prix continueront à diminuer incitent les consommateurs à encore reporter leurs achats. Voyez le Japon où la déflation va de pair depuis déjà deux décennies avec un fléchissement de la croissance économique.
Le Covid-19 a actuellement des effets à la fois inflationnistes et déflationnistes. Les soldes ont ainsi été reportés dans de nombreux pays. Et comme les prix sont toujours comparés à ceux de l’an dernier, on a assisté à leur augmentation en juillet. D’autre part, la perturbation des chaînes d’approvisionnement pendant le confinement bloque la production. Certains produits se font dès lors plus rares et sont plus chers. En outre, de nombreuses entreprises connaissent des hausses de leurs coûts en raison des mesures de sécurité supplémentaires et des stocks plus grands qu’elles détiennent. Si les entreprises tiennent compte de ces surcoûts, cela peut faire pression sur l’inflation.
Dans la phase actuelle de la récession, les effets déflationnistes sont cependant encore beaucoup plus marqués. En effet, les entreprises se plaignent d’une forte diminution de la demande, ce qui fait pression sur les prix de leurs produits. L’activité industrielle se redresse mais reste largement sous les niveaux du début de cette année, de sorte que de nombreuses capacités de production restent inexploitées. La pression salariale diminue également en raison d’une progression des faillites et du chômage. La crainte d’un retour du spectre de l’inflation semble donc prématurée tant que le consommateur ne se met pas à acheter massivement.