13 décembre 2024
Frank Maet
Senior Macro Economist @Belfius
Véronique Goossens
Chief Economist @Belfius
En 2024, les marchés financiers se sont intéressés plus que d'habitude à ce qui se jouait sur la scène politique. Près de la moitié de la population mondiale s’est rendue aux urnes l’an dernier. Ce sont évidemment les élections présidentielles américaines de début novembre qui ont le plus retenu l'attention. Elles promettaient d’être une lutte acharnée mais, au final, Donald Trump les a remportées relativement largement sur Kamala Harris. De plus, les Républicains ont gagné la majorité au Sénat et au Congrès (au moins jusque fin 2026). Vu le large mandat obtenu par Trump de la population américaine, rares sont les obstacles qui l’empêcheront de réaliser une grande partie de son programme pendant sa seconde présidence.
Donald Trump hérite d’une économie américaine avec un chômage faible qui s'accroît à un rythme soutenu. Les raisons ne manquent pas pour être optimistes à propos de la forte croissance que l’économie américaine enregistrera encore ces prochaines années.
En novembre, la confiance des consommateurs et des entreprises a bondi en réaction au résultat des élections. Il en a également été ainsi lors du premier mandat du président Trump, quand la croissance du PIB en 2017-2018 a grimpé à la suite d'une augmentation des dépenses des ménages et des investissements des entreprises.
Les entreprises apprécient l’approche pro-business de Trump. La baisse promise de l’impôt des sociétés est positive pour les prévisions bénéficiaires. La dérégulation prévue, avec plus de fusions et d’acquisitions à la clé, est également une bonne nouvelle pour les marchés d'actions.
Jusqu’à présent, Wall Street semble peu se préoccuper des projets du prochain président en matière de taxes douanières. Nous tenons compte du fait que Donald Trump va augmenter à 60 pour cent les taxes douanières sur toute une série des biens chinois assez rapidement après son intronisation. À un stade ultérieur, une hausse des taxes sur les importations est également possible pour d'autres partenaires commerciaux, comme l’UE. Mais une guerre commerciale directe entre les USA et le reste du monde ne semble pas le scénario le plus vraisemblable pour le moment. Nous nous attendons à ce que Donald Trump, qui se prévaut d’être un ‘dealmaker’, négocie avec ses principaux partenaires commerciaux. Il pourra ainsi, par exemple, obtenir des engagements de leur part d'acheter davantage de produits américains.
Pour les consommateurs américains, la hausse des taxes douanières va entraîner une augmentation du prix de certains produits mais les réductions d'impôts planifiées vont atténuer le choc sur les revenus. Notamment, Trump a promis de supprimer entièrement les taxes sur les pourboires et les heures supplémentaires. Vu la confiance élevée des consommateurs et la faiblesse du chômage, nous tablons également sur une poursuite de la baisse du coefficient d'épargne des ménages l’an prochain. En 2025, tout comme en 2024, nous nous attendons à ce que les dépenses des ménages contribuent le plus à la croissance économique américaine.
La politique économique du nouveau président soutient la croissance mais entraîne aussi une augmentation de l’inflation. La hausse des taxes douanières va augmenter fortement le prix de l'importation de certains biens. Vu la demande intérieure dynamique, il est possible que les hausses de prix soient directement et entièrement répercutées sur le consommateur. De même, la politique fiscale du prochain gouvernement risque de réveiller l’inflation aux USA car l’économie américaine tourne déjà à plein régime. Dans ces circonstances, la banque centrale américaine deviendra plus prudente avec ses baisses de taux de façon à éviter une surchauffe de l’économie. À court terme, nous entrevoyons encore un potentiel pour des baisses de taux aux USA mais nous tenons compte d'un taux directeur stable à partir du printemps.
Alors que de nombreuses entreprises américaines sont optimistes à propos de l’avenir économique, les chefs d’entreprise européens ont une vision moins favorable à cet égard. En novembre, l’indice de confiance du secteur des services européen est tombé sous le seuil de 5, ce qui signifie que l’activité tertiaire se contracte. Dans l’industrie également, qui est confrontée à un recul de la production depuis 2022, la confiance a fléchi en novembre.
Contrairement à leurs homonymes américains, les chefs d’entreprise européens considèrent l’élection de Trump comme un risque négatif. La hausse des taxes douanières va inévitablement entraîner un affaiblissement de la croissance du commerce mondial et est mauvaise pour les exportations européennes. L’Allemagne surtout, qui dépend fortement de la production industrielle et des exportations de marchandises, est vulnérable à une augmentation des taxes douanières. L'industrie automobile allemande serait durement touchée si le nouveau président américain confirme son intention de taxer plus durement les voitures européennes.
En plus de la crise économique, l’Allemagne est actuellement confrontée à une crise politique après la chute du gouvernement à la suite de dissensions concernant la politique économique et budgétaire. Des élections anticipées sont planifiées pour fin février. Les élections représentent une opportunité d'assouplir la politique budgétaire notoirement restrictive dans le plus grand État membre de la zone euro. En raison de la politique fiscale stricte des derniers gouvernements, la dette publique allemande est basse en comparaison avec des pays comme l’Italie, la Belgique et la France mais, depuis de nombreuses années, l’Allemagne investit trop peu dans la modernisation de l’économie. Elle a un besoin urgent de davantage d'investissements publics et privé pour relancer la croissance structurelle et elle est également l’un des rares pays à disposer de la marge budgétaire pour ce faire.
Tout comme l’Allemagne, la deuxième puissance de l’UE est sans gouvernement. L'équipe au pouvoir du Premier ministre français, Barnier, a été virée, également en raison d'un budget contesté. En France cependant, la pression est mise sur les économies. Barnier n'a pas obtenu de majorité au parlement pour son plan budgétaire visant à réaliser quelque 60 milliards d’euros d'économies et des augmentations d’impôts. C’est pourquoi le risque s'accroît que l'assainissement du budget français exigé par l’UE soit reporté aux calendes grecques.
Après une croissance honorable du PIB au troisième trimestre, il semble que la croissance économique recommence à s'affaiblir dans la zone euro. Le fléchissement de la confiance des consommateurs en novembre et les nouvelles négatives du secteur tertiaire indiquent un ralentissement du rythme de croissance. Avec Trump à la Maison Blanche, le risque d’une croissance problématique des exportations pour la zone euro en 2025 s’est accru.
L'inflation dans la zone euro a grimpé à 2,3 pour cent en novembre, mais cela s’expliquait principalement par les effets de base dans les prix de l’énergie. L'inflation sous-jacente est cependant restée stable et, vu l’affaiblissement de l’activité dans les entreprises de services, l'inflation des services devrait baisser ces prochains mois.
Avec une inflation qui semble sous contrôle et de faibles perspectives de croissance pour 2025 (voir tableau ci-dessous), il est vraisemblable que la BCE réduira à nouveau le taux en décembre et en janvier. Nous nous attendons à ce que le taux directeur descende à un niveau de 2,0 pour cent au cours de 2025.
Tout comme en Europe, nous nous attendons à ce que la nouvelle politique commerciale américaine pèse sur la croissance économique dans le reste du monde. La Chine envisage l’année 2025 avec inquiétude. Depuis novembre, la Chine bénéficie d’un regain de l'activité économique, soutenu par les dépenses fiscales des autorités mais aussi par l'augmentation des exportations anticipant la hausse éventuelle des taxes douanières en 2025. Une taxe américaine de 60 pour cent sur toutes les importations provenant de Chine donnerait un sérieux coup dur à l’économie chinoise. Trump a promis de lutter cette fois plus durement contre le ‘re-routing’ de produits chinois via des pays comme le Vietnam, le Mexique, etc. C’est pourquoi on craint que l’impact pour les exportations chinoises soit plus important ces prochaines années que durant son premier mandat. La pression sur les dirigeants chinois pour qu’ils réforment l’économie nationale et la rendent moins dépendante de la demande économique étrangère ne cesse de s'accroître.
Indicateurs économiques
PIB (Produit intérieur brut) (en pourcentage) |
Inflation (en pourcentage) |
|||||||||||
2024 |
2025 |
2026 |
2024 |
2025 |
2026 |
|||||||
Zone euro |
0,8 |
0,7 |
1,0 |
2,4 |
2,4 |
2,2 |
||||||
US |
2,7 |
2,7 |
3,0 |
2,9 |
2,7 |
2,5 |
||||||
Chine |
4,8 |
4,5 |
4,2 |
0,5 |
1,4 |
1,6 |
Source prévisions: Belfius Research
Source générale : Belfius Research
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